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Au cliché du passeur véreux profitant de la misère des gens, Marie Cosnay et Raphaël Krafft, auteurs sur les questions de la frontière et des migrations, opposent, dans une tribune au « Monde », l’éloge de figures héroïques capables de nécessaires transgressions et de professionnels indispensables exerçant un métier dangereux.

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Depuis la fermeture des frontières dans les années 1980 et la réduction drastique des attributions de visa, celles et ceux qui fuient leur pays n’ont d’autres possibilités que de louer les services de personnes pour entreprendre ces voyages longs et périlleux.

Le passeur est le symptôme de la fermeture des frontières, en aucun cas la cause des mouvements migratoires. Malgré cette équation largement documentée, les dirigeants politiques européens continuent d’imputer les morts aux frontières aux passeurs, avec l’assentiment de tous.

La figure du passeur véreux profitant de la misère des gens est communément admise jusque parmi les plus fervents tenants de l’accueil. Ne trouve grâce aux yeux de ces derniers que celui qui ferait ça gratuitement. C’est oublier que le métier est dangereux dans un environnement hostile, que les peines encourues peuvent être lourdes. Le passeur philanthrope ne suffirait à répondre à la demande de passage toujours plus grande à mesure que se multiplient les obstacles et se durcissent les contrôles.

Le passeur connaît les lieux. Il est des deux mondes, il est entre les deux mondes. Etre des deux mondes signifie qu’on est capable de transgression. Au Pays basque, le contrebandier était aimé de sa communauté, il assurait le lien entre les vallées du pays divisé. Pourvoyeur de denrées et de nouvelles, il était une figure positive, quasi héroïque, capable de désobéissance aux règles commerciales du moment.

Le Monde

Marie Cosnay

autrice et traductrice

Raphaël Kraftt

journaliste et écrivain

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