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Selon le géographe Christophe Guilluy, le verdict des élections municipales traduit l’émergence de la société multiculturelle. La question identitaire est portée comme un étendard.
La révolte gronde dans ce que j’appelle la France périphérique, c’est-à-dire les territoires qui sont à l’écart des grandes métropoles : bourgs, petites villes, la plupart des villes moyennes, une partie du périurbain et le monde rural. C’est une immense partie du territoire qui accueille 60% de la population et 80% des nouvelles catégories populaires : ouvriers, employés, petite classe moyenne en voie de paupérisation, jeunes et retraités issus de ces catégories. […]
Si les classes populaires se déterminent sur les questions identitaires et non plus économiques et sociales, le choix de Manuel Valls, c’est une bonne réponse de la gauche pour essayer de les reconquérir ?
– C’est le meilleur pour répondre à la demande d’autorité. Mais comme la question identitaire est aussi ethnoculturelle, il lui sera difficile de parler en même temps aux “petits Blancs” et aux musulmans. Autre difficulté, les attentes des électeurs musulmans sont à des années-lumière de celles de la gauche sociétale. Ils sont ancrés dans la tradition et réagissent exactement de la même manière que les “petits Blancs”. […] C’est la fin du modèle républicain ?
Ce modèle assimilationniste est mort. On assiste à l’émergence de la société multiculturelle. Nous, Français élevés au biberon du républicanisme, sommes très mal à l’aise avec cette réalité. Or la société multiculturelle, c’est une société où l’autre ne devient pas soi. Si l’autre ne devient pas soi, j’ai besoin de savoir combien va être l’autre. La crainte d’être ou de devenir minoritaire est une angoisse identitaire quelle que soit l’origine. […] Pourtant le vote FN est parfois massif dans des régions où il n’y a pas d’immigrés, et inversement il peut être faible là où il y en a beaucoup…
Il faut rappeler dans quel contexte s’inscrit la montée du FN. Le dernier rapport de la CNCDH confirme une tendance observée depuis plus de quinze ans, un rejet massif de l’immigration : 75% des sondés jugent qu’il y a trop d’immigrés. Cette question préoccupe la société tout entière et s’exprime différemment en fonction du lieu de vie, de la couleur politique et de la situation sociale. Mais il y a bien un point commun entre le vote frontiste et les pratiques de contournement de la carte scolaire : le rejet de l’immigration.
De la même manière, la localisation de l’immigration n’est pas un bon indicateur pour mesurer le vote FN. Il était très fort en Seine-Saint-Denis à la fin des années 1980 et il a reflué parce que les “petits Blancs” sont partis. Le potentiel électoral du FN s’est déplacé en Seine-et-Marne, dans le Val-d’Oise ou dans l’Oise, dans les lotissements pavillonnaires bas de gamme construits dans les années 1970-1980 pour accueillir notamment ceux qui fuyaient la petite couronne. […] Le Nouvel Obs

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