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“Dieu le veut !”

C’est par ce cri enthousiaste que, selon les chroniqueurs, les chevaliers présents à Clermont en novembre 1095 répondirent à l’appel d’Urbain II qui leur prescrivait, “pour la rémission de leurs péchés”, d’aller combattre les infidèles et leur arracher par la force des armes le Saint Sépulcre, le tombeau du Christ, entre leurs mains depuis 638. Cet appel allait conduire à deux siècles de conflits effectifs en Terre sainte (1096-1291), avec leur cortège de massacres, de captivités et de souffrances diverses, mais plus encore à plusieurs siècles d’idéologie guerrière résultant de la formation d’un concept qui choque aujourd’hui les consciences chrétiennes : la notion de croisade, de guerre sainte.

Cette notion n’est pas née brusquement dans l’esprit d’Urbain II. Elle est l’aboutissement d’une lente évolution qui conduisit les chrétiens de la non violence primitive à la guerre sacralisée contre les “infidèles”, les musulmans ; mieux vaudrait d’ailleurs parler de révolution, tant la métamorphose fut ici radicale. Mais elle s’accomplit en plus de 1000 ans, et non sans déchirements.

L’islam, pour sa part, ne connut pas semblables tiraillements. La notion de “guerre pour la foi” y fut acceptée dès l’origine. […]

A l’imitation de Jésus, les chrétiens des premiers temps refusaient l’usage de la violence et des armes ; en même temps, ils se voulaient obéissants et soumis aux autorités légales (l’Empire romain païen). Ces deux exigences morales entraient parfois en conflit, surmonté selon le principe énoncé par les Apôtres : “Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes”.  […]

Saint Augustin, dans ses multiples écrits, esquisse ce qui deviendra plus tard, aux XIIe et XIIIe siècles, la théorie de la guerre juste dont il ne faut qu’énoncer les principes. Pour lui, la guerre demeure un mal, surtout à cause des motivations mauvaises des hommes. Elle peut cependant constituer un moindre mal et servir la justice ; il faut pour cela que soient réunies plusieurs conditions : elle ne doit pas être entreprise pour motifs personnels, ni menée avec des sentiments de haine ; ses mobiles doivent être de rétablir la paix et la justice : par exemple défendre la patrie envahie ou menacée par des ennemis, rétablir le droit bafoué, rependre des terres ou des biens injustement spoliés, ou punir des malfaiteurs. Enfin, elle doit être menée à l’initiative des autorités légitimes, en l’occurrence l’empereur, pour le bien commun.  […]

Menacés dans Rome même et dans sa région par les incursions des Sarrasins (pillage de Rome et de l’église Saint Pierre en 846), les papes doivent faire appel aux guerriers francs pour les repousser. En 847, Léon IV promet l’entrée au Paradis pour tous ceux qui viendraient à mourir “pour la de la foi, le salut de la Patrie et la défense des chrétiens” ; un peu plus tard, menacé à son tour, VIII promet l’indulgence de leurs péchés et l’entrée dans la vie éternelle à ceux qui tomberaient en combattant les infidèles. […]

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