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LE FIGARO. – Après que le Hamas a appelé à une journée du djihad international vendredi dernier, un attentat a eu lieu en France, et la Belgique a subi une attaque terroriste lundi. Franchit-on un nouveau cap dans la mondialisation du djihad ?

Hugo MICHERON. – Les attaques qui se sont produites vendredi en France et lundi en Belgique ne sont pas des actions coordonnées au sens propre du terme. Il y a différents types d’attaques terroristes : celles qui sont projetées par des réseaux terroristes depuis l’étranger vers l’Europe (le 13 novembre 2015), celles qui sont téléguidées (Saint-Étienne-du-Rouvray) et celles qui sont inspirées par un mot d’ordre, dont certaines personnes en Europe se saisissent pour passer à l’action. C’est ce qu’on a eu à Arras et à Bruxelles, et c’est principalement ce type d’attaques qui cible l’Europe depuis cinq ans. Cela montre qu’on est en période de marée basse du djihadisme. On n’est pas encore rentré dans la phase d’expansion, la marée haute, quand des groupes djihadistes ont les capacités opérationnelles pour passer à l’action de façon organisée. Les derniers attentats ont plutôt été le fait des marges mal intégrées du djihadisme.

Aujourd’hui, la situation géopolitique change la donne car la matière islamiste djihadiste est extrêmement inflammable. On atteint des niveaux de tensions extrêmes au Proche-Orient et il ne faut surtout pas faire l’erreur de juger ce qui est en train de se passer en ce moment à l’aune des précédents conflits. On rentre dans une phase d’inconnu ; tous les curseurs de risques sont au plus haut. Il y a une énorme inconnue sur la réaction d’Israël mais aussi du côté de la capacité du Hamas et du Hezbollah à poursuivre, par des moyens détournés mais aussi très direct, par exemple, une invasion du nord d’Israël. Une des armes dont dispose le Hamas, et il a déjà commencé à le faire, c’est d’appeler à ouvrir un front en Europe. On ne sait pas comment ce sera réceptionné, mais il y a suffisamment d’individus en Europe pour être à l’écoute de ce genre d’appel. On doit être à un niveau de vigilance extrême. Le djihadisme fonctionne toujours de la même façon : ayant peu de capacité d’action propre en Europe, il dépend systématiquement depuis trente ans de crises géopolitiques mondiales. On est au début d’une crise qui s’annonce majeure, et il est à peu près certain qu’il y aura un impact sur l’Europe.

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Comment caractériser cette phase qui n’est ni une phase d’expansion ni une période de calme plat ?

Comme on n’a pas géré la question djihadiste comme il le fallait dans les périodes de marée basse, c’est-à-dire quand il était en train de se recomposer, on est passé de quelques dizaines de djihadistes en France dans les années 1990, à quelques milliers au milieu des années 2010. On se retrouve donc dans une situation où le niveau de la marée basse est bien plus élevé qu’il y a trente ans. Malheureusement les démocraties ont épousé ces cycles ; elles ont réagi par la colère dans la période de panique, mais très rapidement, on a basculé dans des phases d’oubli. Là, tout d’un coup, on se rend compte qu’il aurait peut-être fallu être contracyclique, profiter des moments où le djihadisme avait militairement été défait, pour déployer un certain nombre de mécanismes empêchant le prochain rebond des djihadistes. Quand on regarde l’histoire des systèmes politiques en Europe depuis deux cent cinquante ans, on voit que les démocraties ont été capables de répondre à peu près à tous les enjeux à partir du moment où elles avaient bien analysé et bien intégré ce qu’était la menace. Mais depuis trente ans, la menace djihadiste, et plus largement, les questions islamistes sont très mal comprises dans les débats publics européens. Compte tenu des forces et des ressources de l’Europe, on devrait être capable de relever les défis. Mais ça ne se fera pas sans prise de conscience.

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