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L’historien et sociologue de la laïcité Jean Baubérot,  souligne les difficultés liées à la décision du gouvernement d’interdire les abayas et les qamis. Et précise que l’année dernière, seuls 4 % des établissements scolaires étaient concernés. Il estime que cette décision va encourager « l’extrémisme ».

Depuis dimanche, l’annonce, par le nouveau ministre de l’Education nationale, Gabriel Attal, de l’interdiction générale de l’abaya à l’école fait débat. Pour commencer, qu’est-ce qu’une abaya (« robe » ou « manteau », en arabe) ? « Aucun chef d’établissement ne m’a demandé de définir ce qu’est une abaya, ils savent très bien ce que c’est » , a répondu pour sa part Gabriel Attal. Est-elle une tenue assimilable à un vêtement religieux ? Et y avait-il nécessité de l’interdire ?

Jean Baubérot Si Gabriel Attal botte en touche, c’est parce qu’il n’est pas simple de distinguer abaya et robe longue. L’abaya est, à l’origine, une robe ample portée pour mieux résister à la chaleur. C’est une tenue traditionnelle dans des pays arabes. Si, sur internet, certains la prônent en invoquant l’islam, aussi bien le Conseil français du Culte musulman (CFCM) que la Fondation de l’Islam de France, instances successivement créées en lien avec les gouvernements de la République, affirment que l’abaya n’a rien de religieux. On se trouve donc dans un étrange et inquiétant paradoxe : l’Etat laïque coopère à la fondation d’organismes censés être ses interlocuteurs, mais, ensuite, il ignore leur avis et veut décréter ce qui est religieux et ce qui ne l’est pas. Et, pour lui, est religieux ce que les intégristes prétendent être religieux. C’est une situation assez absurde, en tout cas contraire à la séparation des Eglises et de l’Etat.

La loi de séparation de 1905 avait refusé de légiférer sur le vêtement. A l’époque, il s’agissait au moins d’un vêtement clairement religieux, la soutane, que certains voulaient interdire dans l’espace public. Le problème n’était donc pas tout à fait identique, mais j’indique ce précédent pour deux raisons. D’abord, parce que le rapporteur de la commission parlementaire, Aristide Briand, a tenu un propos de portée générale en déclarant qu’il serait « ridicule » qu’une « loi de liberté » impose une façon de s’habiller et, de plus, que si la soutane était interdite, un autre vêtement clérical serait rapidement adopté. Il ne fallait donc pas mettre le doigt dans l’engrenage. Or c’est précisément ce que fait l’école aujourd’hui.  […]

Ce qui me désole, c’est que l’attitude de l’institution scolaire est en train de fabriquer un amalgame entre la réaction logique d’un ou d’une ado qui s’oppose aux règles qu’il ou elle ne comprend pas et le jeu des extrémistes qui profitent allègrement de l’attitude contreproductive de l’institution scolaire, et se rendent ainsi attirants auprès de certains jeunes. Avec une telle stratégie, je crains que l’extrémisme ait de beaux jours devant lui.

L’Obs

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