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10/10/2022

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La complicité active des médias encouragera SOS à récidiver et à élaborer plus tard une version concurrente : La légende de Diego. Celle-ci remporta elle aussi un franc succès auprès des médias. C’est l’histoire d’un ami sénégalais qui prend peur dans le métro lorsqu’une femme déclare qu’on lui a volé son portefeuille et que tous les regards se tournent vers lui, le seul Noir présent dans le wagon. Traumatisé à vie, il retourne dans son Sénégal natal. C’est Serge Malik, un ancien haut responsable, qui vendra la mèche : cette légende fut fabriquée et scénarisée en réunion. Une façon d’acclimater le grand public à une vision repoussante de lui-même.

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En fait, SOS participa à l’incrustation, dans les élites et la société françaises, d’une utopie de substitution. Celle d’un « sociocentrisme négatif » mis au service des pauvres contre les riches, recyclant ainsi un reste de lutte des classes dont les rôles furent redistribués selon des critères raciaux. Pour Paul Yonnet, c’est ainsi que l’on peut expliquer la place prise alors par les célébrités médiatiques. Les scientifiques qui nient l’existence des races sont moins utiles lorsqu’on cherche à promouvoir une société multiraciale. L’utopie de substitution, comme l’utopie marxiste, établit un lien entre l’avenir et une catégorie sociale. Cette fois, les immigrés. Dans l’antiracisme, la conscience de communauté remplace la conscience de classe avec, pour effet, une déconsidération de la classe ouvrière. En témoignent la caricature du Beauf par Cabu et l’usage de plus en plus fréquent de l’expression « petit Blanc » en analogie avec la situation raciale au sud des Etats-Unis. Cette expression suggère la survivance d’un monde d’hier sur le point d’être englouti.

Cette nouvelle utopie est séparatiste en cela qu’elle oppose un front intercommunautaire aux Français racistes, délégitimant ainsi la « conscience de nation ». L’argumentaire antiraciste sur la question migratoire conjugue ‘rien de nouveau’ (ce que Paul Yonnet appelle un anxiolytisme tactique) et ‘la situation est exceptionnelle’ : il n’y a pas plus d’immigrés que dans les années 1930 mais une forte proportion de population d’origine étrangère. Le slogan « nous sommes tous des immigrés » dépossède les autochtones de toute légitimité de se référer à une conscience nationale. Il alimente ainsi l’angoisse de voir disparaître l’identité française et fait courir le risque d’un repli sur des caractères ethniques.

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Il est de bon ton aujourd’hui d’imputer aux vents qui soufflent d’Amérique le multiculturalisme, la théorie critique de la race et autres théories mettant en avant des groupes minoritaires. Le racisme systémique dont il est question aujourd’hui, ce fut pourtant aussi une idée française déjà contenue dans le « sociocentrisme négatif » propagé dans les années 1980. Si nous avions lu et pris au sérieux à temps Paul Yonnet, nous aurions pu comprendre pourquoi la France était un bon client pour chevaucher la vague George Floyd. Nous aurions mieux compris pourquoi l’identité française, après le roman national, allait devenir la cible de ce « sociocentrisme négatif » et pourquoi la notion de « grand remplacement » de Renaud Camus allait rencontrer le succès qu’il connaît.

Le blog de Michèle Tribalat

29/09/2022

Réédition de «Voyage au centre du malaise français » de Paul Yonnet (1993), un « essai capital et prophétique »

15 juin 1985, place de la Concorde. Des centaines de milliers de jeunes sont venus assister à la «fête des potes» organisée par SOS-Racisme. Dans ce grand «festival musical multiracial», Marek Halter, Bernard-Henri Lévy, et Guy Bedos se tiennent la main tandis que chantent Francis Cabrel et Jean-Jacques Goldman. Harlem Désir proclame son catéchisme benêt à la tribune: «Pour la France multiculturelle, pour que la logique de l’amitié l’emporte toujours sur celle de la haine et de la mort.»What else? 35 ans plus tard, la Concorde a laissé place à la discorde, l’utopie multiculturelle à la partition territoriale, la petite main jaune au voile islamique, l’exaltation du black-blanc-beur à l’obsession racialiste, et les hérauts de SOS-Racisme n’en finissent pas d’être dévorés par leurs héritiers woke.

Ce que démontre magistralement Paul Yonnet dans son livre Voyage au centre du malaise français, publié en 1993 et réédité ces jours-ci par l’Artilleur, c’est que tout ceci était écrit d’avance. Dans cet essai capital et prophétique, le sociologue, spécialiste du sport et des loisirs, contributeur régulier à la revue Le Débat, entreprenait de décortiquer ce phénomène de société que fut l’antiracisme militant des années 1980.

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Paul Yonnet invente le néologisme «immigrationnisme» pour désigner la valorisation systématique par l’antiracisme militant de l’immigration comme une richesse, et la nazification de quiconque propose d’en contrôler les flux. Il décrit à merveille la redoutable rhétorique de la «pince immigrationniste»: d’un côté on dénonce le fantasme de l’invasion (non il n’y a pas plus d’immigrés qu’avant), de l’autre on proclame «nous sommes tous des immigrés». Il montre comment le paradigme antiraciste – non pas le refus des races, mais l’exaltation du droit à la différence et la destruction du roman national – a atteint un niveau d’hégémonie culturelle encore plus grand que celui du marxisme dans les années 1970, puisqu’il n’a pas gagné seulement le milieu intellectuel, mais l’appareil d’État. Cet «antiracisme d’État» a été créé par la mitterrandie, qui y a vu, après le tournant de la rigueur de 1983, un substitut à l’absence de débouchés du socialisme au pouvoir.

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Le Figaro Vox

Le livre sur le site de la FNAC.

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