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02/03/2022

Le conseil de l’ordre d’un barreau peut interdire de porter, avec la robe d’avocat, tout signe manifestant une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique.

Les faits

Le 24 juin 2019, le conseil de l’ordre d’un barreau a modifié son règlement intérieur en ajoutant […] :

« L’avocat ne peut porter avec la robe ni décoration, ni signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique. ».

La procédure

Une élève-avocate et son maître de stage, avocat, ont chacun formé un recours contre cette délibération du conseil de l’ordre.

Le 9 juillet 2020, la cour d’appel a […] rejeté la demande de son maître de stage de voir annuler cette délibération du conseil de l’ordre.

Les principales questions posées à la Cour de cassation

  • Le conseil de l’ordre d’un barreau est-il compétent pour interdire, dans son règlement intérieur, le port de tout signe manifestant une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique, avec la robe d’avocat ?
  • Cette délibération du conseil de l’ordre constitue-t-elle une atteinte à la liberté de religion et à la liberté d’expression ?

Les réponses de la Cour de cassation

Le Conseil de l’ordre du barreau est compétent

[…] Le conseil de l’ordre avait donc le pouvoir de modifier son règlement intérieur afin d’interdire le port de tout signe distinctif avec la robe d’avocat.

Cette restriction des libertés religieuse et d’expression est proportionnée

En imposant à ses membres de porter la robe d’audience sans aucun signe distinctif, le conseil de l’ordre contribue à assurer l’égalité entre avocats et, à travers celle-ci, l’égalité entre justiciables. Ce principe d’égalité est l’un des éléments constitutifs du droit à un procès équitable.

L’interdiction du port de signe manifestant une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique est ainsi nécessaire et adéquate, d’une part, pour préserver l’indépendance de l’avocat, d’autre part, pour garantir le droit à un procès équitable.

Cette interdiction ne constitue pas une discrimination.

Le rejet de la demande d’annulation de cette délibération du conseil de l’ordre est donc confirmé.

Cour de cassation – Communiqué du 2/03/2022
Arrêt de la Cour de cassation du 2 mars 2022 n° 20-20.185

Asmeta a déclaré à Reuters qu’elle était choquée et déçue par la décision.

“Pourquoi le fait de couvrir mes cheveux empêche-t-il mon client d’avoir droit à un procès libre ?” a-t-elle dit à Reuters. “Mes clients ne sont pas des enfants. S’ils me choisissent comme avocate, avec mon voile, c’est leur choix.”

Reuters

23/02/2022

Une avocate française se bat pour avoir le droit de porter son hijab au tribunal

L’avocate française Sarah Asmeta porte un hijab au travail, mais cela signifie qu’il lui est interdit par son barreau local de représenter des clients dans la salle d’audience. […]

Mercredi prochain, la plus haute juridiction de France doit statuer sur l’affaire Asmeta dans un jugement qui pourrait créer un précédent national et résonner dans un pays où le hijab – un foulard porté par certaines femmes musulmanes – est devenu un point d’éclair dans un débat sur l’identité et immigration.

Je ne peux pas accepter l’idée que dans mon pays, pour exercer un métier dont je suis capable, j’ai besoin de me déshabiller, a déclaré Asmeta, 30 ans, à Reuters.

Asmeta, qui est franco-syrienne, a été la première personne de sa famille à poursuivre des études de droit. Elle a également été la première personne de sa faculté de droit IXAD à Lille, dans le nord du pays, à porter un hijab.

En 2019, lorsqu’elle devait prêter serment et entrer dans la profession en tant qu’avocate stagiaire, aucune loi spécifique ne l’interdisait de porter son hijab.

Mais dans les mois qui ont suivi sa prestation de serment, le barreau de Lille a adopté une règle interne interdisant tout signe manifestant une opinion politique, philosophique ou religieuse à porter avec la robe devant les tribunaux.

Asmeta a contesté cela comme étant ciblé et discriminatoire.

Elle a perdu l’affaire devant une cour d’appel en 2020, portant l’affaire devant la plus haute juridiction, la Cour de cassation. Le jugement du 2 mars jettera les bases pour les Conseils de l’ordre à l’échelle nationale, a déclaré Patrick Poirret, le procureur général, à la Cour la semaine dernière. […]

“Dans cette interdiction générale, il y a une discrimination précise et indirecte [des femmes musulmanes]”, a déclaré l’avocate d’Asmeta, Claire Waquet, devant la Cour mardi dernier. […]

Après des expériences positives de stage à la Cour pénale internationale de La Haye et comme assistante juridique à Bruxelles, Asmeta envisage de repartir à l’étranger en dernier recours.

“J’étais très heureuse là-bas, je pouvais travailler, les gens me voyaient comme une personne avec des compétences et pas comme un problème”, a-t-elle déclaré.

Reuters

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