La tête dans son jus de citron frais, sa sacoche de journaliste au sol, Redouane* a le visage défait de l’homme dont le projet chèrement porté vient d’être anéanti. Installé sur une terrasse ombragée du cœur d’Alger, entre la place Maurice-Audin et la grande poste, le jeune franco-algérien évoque le périodique consacré aux loisirs qu’il souhaitait lancer. Or, la parution au Journal officiel le 29 août d’une nouvelle loi sur l’information, qui interdit notamment aux binationaux d’être actionnaire d’un média, vient de ruiner ses espoirs.
Il avait pourtant cru à la promesse lancée par Abdelmadjid Tebboune lors de son élection à la tête de l’Etat algérien en décembre 2019 : l’élaboration d’une loi sur l’information. L’une des évolutions annoncées était de libérer les fondateurs de médias de l’obligation de demander un agrément au ministère de la communication. Effectivement, le 28 mars, lorsque le projet de loi est voté à l’Assemblée nationale, la création d’un média relevant de la presse écrite et électronique devient soumise à une simple « déclaration », l’audiovisuel et la radio restant dépendants pour leur part d’une autorisation.
« Je m’attendais à ce que cette avancée soit assortie de contraintes çà et là, explique Redouane. Mais ce n’est que quelques jours avant le vote à l’Assemblée que j’ai commencé à m’inquiéter : l’agence de presse officielle présentait les journalistes un peu comme des fonctionnaires des affaires étrangères chargés de véhiculer une bonne image de l’Algérie. »
Inquiétudes légitimes. Il découvre, sidéré, que la loi interdit aux personnes qui ne sont pas « de nationalité algérienne, exclusivement », d’être actionnaires d’un média. D’après le site d’informations algérien interlignes.com, seuls les députés du Mouvement de la société pour la paix (MSP, ex-Mouvement de la société islamique) ont rejeté le texte à l’Assemblée en évoquant notamment « la confiscation d’un droit consacré par la Constitution ».