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L’Obs présente le dernier livre Daniel Cohn-Bendit, écrit avec le journaliste Patrick Lemoine, « Français mais pas Gaulois – Des étrangers qui ont fait la France ».

Dans un ouvrage résolument positif sur l’immigration, l’ancien candidat Vert à l’élection présidentielle Daniel Cohn-Bendit met les pieds dans le plat. Selon lui, l’identité française est une nébuleuse, pour ne pas dire un mirage. Un pied de nez à Zemmour et ses partisans ? Ou tout simplement un plaidoyer humaniste plutôt rafraîchissant en ces temps de repli sur soi ?

Il aurait presque pu inventer le mot : « francitude ». Un néologisme, pour ne pas dire un barbarisme, singulier et provocateur, mais qui pourrait sortir le débat sur l’immigration des ornières dans lesquelles il patauge depuis des années. Qui mieux que Daniel Cohn-Bendit, cet apatride d’origine allemande, devenu français sur le tard, presque comme un pied de nez à sa propre histoire, aurait pu se coller à cette tâche ? Dans un livre passionnant (« Français, mais pas Gaulois », Robert Laffont), écrit à quatre mains, avec Patrick Lemoine, Dany le Rouge, engagé dans un macronisme précautionneux, malaxe dans une forme d’ironie joyeuse le concept d’identité française. Le livre tombe à pic, quelques jours avant le débat sur l’immigration que le Parlement va aborder à travers le projet de loi de Gérald Darmanin.

Selon Dany et son complice, l’identité française est un mirage, une illusion, une notion que ses thuriféraires cantonnent à un territoire, une ascendance, des frontières terrestres, une culture immémoriale. Pour l’ancien adjoint au maire de Francfort, alors chargé des questions de l’immigration, il faut revenir à Ernest Renan, à son discours de la Sorbonne, « Qu’est-ce qu’une nation ?  », dans laquelle il développe l’idée qu’un pays est une addition complexe et magique d’hommes venus d’ici et d’ailleurs.

Agrégation, dîtes-vous ? Pour dérouler le fil de la pensée de Renan, l’ancienne icône de Mai-68 passe en revue la foultitude d’immigrés célèbres venus offrir à la France leurs bras, leur sueur, et aussi leur génie, comme la Polonaise Marie Curie, née Maria Salomea Sklodowska, prix Nobel de physique, ou encore les Russes Chagall, Zadkine, Soutine, l’Espagnol Pablo Picasso. Et tant d’autres. Le cortège de « Français venus d’autres terres » est incommensurable.

A lire cet inventaire qui raconte un siècle d’immigration à travers des personnalités célèbres, jusqu’aux dernières vagues venues du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, avec les Zidane, Benzema, Omar Sy, Mbappé, sans oublier les Polonais, Italiens, Portugais, on aurait presque le tournis. Il révèle l’incroyable richesse de la France, sa capacité à accueillir l’autre. Certains estimeront l’ouvrage digne de la collection des petits livres roses, gommant les difficultés de plus en plus grandes de l’Etat à intégrer les dernières vagues d’immigrés. Il nous rappelle au moins que le tragique n’est pas devant nous, que la notion de « francitude » est une terre à explorer avec détermination, voire avec obstination, pour ne pas se laisser dévorer par les peurs distillées quotidiennement par Eric Zemmour et ses disciples. La french attitude, qu’est-ce donc ? Une conscience morale, comme le prétend Renan ? L’amour du drapeau ? La créolisation, selon Mélenchon ? Le patriotisme de Manuel Valls ? Dany Cohn-Bendit, le juif allemand naturalisé français, lance un chantier qu’on sait explosif et politiquement dangereux. Il a le mérite d’y apporter sa touche humaniste et son ironie cinglante. C’est toujours bon à prendre….

L’Obs


Présentation de l’éditeur

« Je suis né le 4 avril 1945 à Montauban de parents allemands, lesquels ont attendu plus de six mois pour déclarer ma venue au monde – trop tard ! Cela a fait de moi un apatride, qui a grandi dans le 15e arrondissement de Paris avec les derniers hussards noirs de la République, a été un supporter inconditionnel de l’équipe de France de Raymond Kopa en 1958, avant d’arriver à Francfort et de prendre la nationalité allemande… pour éviter le service militaire. Revenu en France pour mes études, j’en suis expulsé en mai 1968 – une interdiction de séjour levée dix ans plus tard.
Depuis, ma vie est une sorte de pont entre l’Allemagne et l’Hexagone, et, en 2015, j’ai obtenu le droit de devenir aussi français. Pouvoir désormais jouer avec les deux maillots correspond au fond assez bien à mon état d’esprit : la France doit beaucoup à ses étrangers, sans qui son histoire aurait été tout autre. Ainsi, c’est également la Grande Histoire qui se dessine à travers eux : car tous sont arrivés au gré des mouvements politiques, économiques, scientifiques, culturels… et même sportifs. »
C’est ce cheminement que retrace ce livre à quatre mains, faisant halte ici auprès d’un Émile Zola s’éteignant à l’aube de la Belle Époque, là au couronnement à Cannes des Indigènes de Rachid Bouchareb ; et, toujours, au côté de ces hommes et femmes qui, venus d’ailleurs, ont depuis cent cinquante ans mis la main à l’ouvrage, glorieux et laborieux, d’un pays qui s’écrit.

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