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Poursuivant le travail de Passion arabe, Gilles Kepel signe une nouvelle enquête sur les banlieues, déchirées entre espoirs démocratiques et essor du salafisme.
D’une part, la figure dominante du caïd l’emporte sur le reste du paysage : “C’est le basculement qui me frappe le plus en l’espace d’une génération, écrit Kepel. Même si les drogues dures ont commencé d’exercer leurs ravages dès les années 1980, je suis choqué par l’emprise du trafic de stupéfiants dans les quartiers populaires. Je l’avais déjà constaté en 2010 à Sevran… mais l’ampleur du phénomène à Marseille dépasse l’imagination. Les caïds y sont devenus les patrons des cités, s’y substituant aux services publics, exécutant les contrevenants à leur loi ­. 20 morts dans des règlements de comptes spectaculaires en 2013, dont les fameux barbecues, où le corps de la victime est brûlé dans un coffre de voiture.”

D’autre part, “l’essor des marqueurs de l’islam” s’impose désormais à tous les paysages urbains. “Il y a vingt-cinq ans, quand j’avais sous-titré Les Banlieues de l’islam “Naissance d’une religion en France” analyse , l’auteur, ceux-ci étaient encore rares… Mais la présence ostensible du salafisme ­ favorisée par l’accoutrement spécifique des adeptes ­ est un symptôme nouveau et fulgurant. Elle exprime une rupture en valeurs avec la société française, une volonté de la subvertir moralement et juridiquement, qu’il serait illusoire de se dissimuler et qui pose des questions essentielles.”
Pour aborder de front l’affaissement du modèle français, sans hypocrisie ni nostalgie, il faut lire le voyage de Gilles Kepel dans notre intimité sociale. On en ressort édifié sur l’enracinement des problèmes tentaculaires de l’intégration, on en reste médusé par la violence à peine contenue de certains propos, on en retire la sensation étourdissante que la France (tout comme ses grands voisins européens) a inventé, sans y avoir jamais vraiment réfléchi, un mélange devenu incontrôlable.
De la superposition entre “les trois âges de l’islam”, typologie élaborée avec justesse par Kepel (le temps des travailleurs immigrés, celui de l’affirmation de la différence, avec l’affaire du voile, puis l’imposition d’un espace identitaire musulman à toute la société, phase actuelle), surgit une mixture de démocratie et de régression, de libertarisme et de traditionalisme, d’hypermarchés et de souks, de liberté d’expression mise au service d’un fondamentalisme musulman liberticide.
L’express

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