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Selon Bernard Rougier, universitaire spécialiste de l’islam radical, l’indulgence médiatique pour le documentaire “Salam” témoigne des contradictions de notre époque.

*Sociologue spécialiste de l’islam radical, Bernard Rougier est professeur à l’université Paris III et directeur du Centre des études arabes et orientales. Il a dirigé les ouvrages collectifs “Les Territoires conquis de l’islamisme” et “Qu’est-ce que le salafisme?”, tous deux parus aux PUF. 

La campagne de promotion de Salam, le documentaire autobiographique de Diam’s (au cinéma les 1er et 2 juillet, NDLR), souligne à quel point notre époque n’est pas à une contradiction près. Dans un monde organisé autour des croyances religieuses de Diam’s, Augustin Trapenard, journaliste ouvertement gay qui a interrogé l’ancienne rappeuse pour le média Brut, aurait été condamné à mort. La décision s’appuierait sur le hadith, valorisé dans le courant salafiste, qui veut que “ceux que vous trouvez en train de commettre le crime du peuple de Loth, tuez-les tous les deux”.

Au nom de cette vision de la loi religieuse, les coupables doivent, au choix, être “brûlés vifs, lapidés jusqu’à la mort” ou encore “jetés de la construction la plus haute, tête en bas et achevé avec des pierres” – l’option privilégiée par Ibn Abbas, un compagnon du Prophète et littéralement appliquée sous le califat de Daech. Ces prescriptions sont dans l’ouvrage La Voie du musulman du cheikh Abou Bakr al-Jaza’iri, (page 942 de l’édition de 2011), ancien professeur à l’université de Médine, récemment disparu. Et l’intercession de Mélanie/Diam’s n’aurait servi à rien, car, selon l’enseignement laissé par les grands cheikhs de l’institution religieuse wahhabite (Ibn Baz, al-‘Uthaymin), la femme est sous la tutelle de son mari et lui doit l’obéissance sur tous les sujets.

L’indulgence manifestée par des grands médias (TF1, Brut) pour le salafisme défendu par Diam’s en dit beaucoup sur l’époque, notamment sur le discours public des nouvelles élites dirigeantes. Leur morale consiste à ne se faire le défenseur d’aucune morale, de se refuser à formuler des jugements de valeur et cela au nom d’une tolérance absolue vis-à-vis des choses de ce monde – ce que rend l’expression anglaise nonjudgmentalism qui la caractérise. L’analyse du phénomène avait été proposée par le politologue Charles Murray dans son ouvrage Coming Apart, paru aux Etats-Unis en 2012. Selon lui, la nouvelle classe dirigeante s’oblige à pratiquer un “oecuménisme de la gentillesse” au nom duquel on doit accepter les choix de vie des personnes et des groupes sans jamais s’interroger sur leurs légitimations ultimes – le genre, la race, les préférences sexuelles, les pratiques culturelles ou l’origine nationale – car agir ainsi reviendrait à pratiquer un ethnocentrisme honni dans son principe.

(…) L’Express

(Merci à BB)

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