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(Photo : Mathilde et sa fille posent après le titre de champion d’Angleterre 2020 de Liverpool)

Tombée amoureuse de Liverpool à 6 ans, après avoir vu un match des Reds à la télévision, Mathilde cumule aujourd’hui des dizaines de déplacements européens avec sa mère, à qui elle a transmis sa passion. Mère de Rose, 4 ans et demi, elle aussi fan de l’équipe de Jürgen Klopp, elle était à Saint-Denis pour la finale de la Ligue des champions et en est revenue avec une côte fêlée et des cauchemars pour des nuits. Après avoir publié une lettre sur Twitter à l’attention des ministres Gérald Darmanin (Intérieur) et Amélie Oudéa-Castéra (Sports), relayée notamment par Robbie Fowler, elle a accepté de raconter sa soirée malgré des séquelles psychologiques encore très présentes.


« Comment vous sentez-vous six jours après cette finale ?

Vraiment pas terrible. C’est compliqué, je fais des crises d’angoisse tous les soirs alors que je ne suis pas sujette à ça. La dernière fois, c’était lors des attentats de Paris durant lesquels j’avais perdu un ami. Ce qui me tient debout la journée, c’est le combat qu’on doit mener pour rétablir la vérité. J’ai beaucoup d’amis qui sont rentrés à Liverpool et je dois le faire pour eux : je suis française, mère de famille, je n’ai pas vraiment la tête d’un hooligan. Peut-être que ma voix sera plus crédible, même si c’est absolument injuste : leurs voix à eux devraient être aussi crédibles que la mienne.

[…]

Que s’est-il passé pour vous à Saint-Denis ?


[…]

Ensuite, en haut, sur le parvis du stade, c’était l’enfer, indescriptible. Les supporters de Liverpool se faisaient agresser partout par des bandes. Devant moi, une femme d’une soixantaine d’années s’est fait frapper, traîner par terre, arracher ses bijoux, son sac… En plus, les policiers nous ont chargés et gazés à plusieurs reprises, sans raison car on ne faisait rien à part subir des agressions. En courant, j’ai été bousculée et je me suis cognée contre une barrière, j’ai une côte fêlée et un gros oedème sur le mollet. La police ne réagissait pas aux agressions alors que c’était sous leurs yeux. On a pensé à s’échapper. Mais l’avenue du Stade de France était remplie de mecs qui attendaient, certains avec des battes de baseball, des machettes.

[…]


Je me suis vue mourir. Mais pas comme on peut le dire parfois de manière exagérée. Là, je l’ai vraiment senti. Je m’étais résignée à ne pas rentrer chez moi.

Vous n’avez jamais pensé à rebrousser chemin ?

On a pensé à s’échapper. Mais l’avenue du Stade de France était remplie de mecs qui attendaient, certains avec des battes de baseball, des machettes. On ne pouvait pas revenir en arrière. À 21h15, ils ont enfin ouvert une mini-porte, une seule, de la taille de celles qu’on a à la maison. À ce moment, j’ai été marquée par le calme des supporters de Liverpool, j’ai d’ailleurs une vidéo de 10 secondes qui montre ça.

Personne n’a poussé, alors que ça faisait environ 3 heures qu’on attendait en se faisant agresser et en prenant de la lacrymo dans les yeux. Les mecs mettaient des coups de couteau pour couper les lanières des sacs, des sacoches, j’en ai vu plein ! Que des mecs qui avaient passé le préfiltrage, tranquille, puisque personne ne contrôlait rien. On avait l’impression d’être dans le film The Purge (American Nightmare) : tout le monde peut déchaîner sa violence et personne ne dit rien. J’ai vu un aveugle, des personnes en fauteuil roulant, des enfants de moins de 10 ans, se faire gazer.

[…]

L’Equipe

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