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Jonathan Haidt enseigne à la Stern School of Business de l’université de New York. Il est l’auteur avec Greg Lukianoff d’un essai remarqué sur les ravages du wokisme dans les universités américaines, «The Coddling of the American Mind» («le chouchoutage de l’âme américaine»), publié en 2018. L’optimisme techno-démocratique qui régnait au début des années 2010 a laissé place à un profond désenchantement: comme dans le mythe de la tour de Babel, après nous être pris pour des dieux, nous ne nous comprenons plus et les réseaux sociaux ressemblent à un Far-West qu’il est urgent de réguler, explique Jonathan Haidt. Selon lui, le problème n’est pas tant la modération des contenus, réclamée par beaucoup, que l’architecture des plateformes, qui privilégie une parole extrême, qu’elle vienne de droite ou de gauche. Il a publié ce point de vue dans un long article récent sur The Atlantic (en anglais) : « Pourquoi les dix dernières années ont été singulièrement stupides aux Etats-Unis »

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Vous pensez que la cancel culture et le wokisme sont des réactions à cette tour de Babel des réseaux sociaux…?

Il y a toujours eu une variété d’opinions morales et politiques sur les campus. Il y a toujours eu des gens pour qui tout était synonyme de pouvoir, surtout dans certains départements d’études de genre ou afroaméricaines, où avait infusé la terrible French Theory, depuis les années 1980-1990. Ce n’est pas que le nombre de personnes qui croient que «tout est pouvoir» a soudainement augmenté. Mais les réseaux sociaux ont abattu tous les murs et ont donné un pouvoir d’intimidation immense, une super-viralité à des groupes minoritaires. Sur les campus, c’est l’extrême gauche qui a ramassé le pistolet à fléchette et commencé à tirer sur les gens.

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Certes, mais ne pensez-vous pas que la polarisation préexiste aux réseaux sociaux?

Certainement. Mais le jeu change d’échelle lorsque l’intimidation est démocratisée, encouragée et libérée de toute responsabilité. Quand n’importe qui peut publiquement faire honte ou attaquer n’importe qui à tout moment sans responsabilité ni procédure régulière. Mark Zuckerberg dit souvent: «Comment cela pourrait-il être mal de donner plus de voix à plus de gens?» Certes, si tout le monde avait plus de voix de manière égale, ce serait peut-être bien. Mais, dans les faits, vous donnez plus de voix à quatre groupes: l’extrême droite, les trolls, l’extrême gauche et les agents de renseignement russes. Si ces quatre groupes ont un mégaphone et qu’ils peuvent dire ce qu’ils veulent sous de faux noms, sans aucune responsabilité, les 80 %
restants deviennent plus silencieux.

Le Figaro

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