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Dans son édition n° 715 du 21 octobre 2021, l’hebdomadaire Challenges a consacré sa Une et un dossier au sujet de l’immigration : « Derrière les fantasmes… IMMIGRATION Coûts et bénéfices ». Le titre est prometteur, et le lecteur s’attend à une série d’articles fouillés, signés par des spécialistes de la question, et qui vont au-delà des idées préconçues concernant un phénomène qui inquiète ou qui réjouit, mais qui ne laisse aucun Français indifférent à six mois des élections présidentielles.

Or ce dossier est hélas loin d’honorer cette promesse. […]

1. Des erreurs flagrantes

Le dossier de Challenges présente deux erreurs grossières, qui auraient pu être facilement vérifiées et corrigées, ce qui témoigne d’un certain amateurisme de l’équipe de rédaction sur ce sujet de l’immigration en France.

[…] En premier lieu, est mentionnée, à l’égard des immigrés en France, « l’interdiction d’exercer dans les cinq millions de postes liés à la fonction publique ». Cette affirmation est fausse à plusieurs titres. Rappelons tout d’abord que les emplois de fonctionnaires titulaires sont accessibles aux personnes de nationalité française ou européenne. Les immigrés européens, et ceux qui obtiennent une nationalité européenne, sont donc tout à fait éligibles à ces emplois. Challenges confond ici la notion d’immigré et celle d’étranger. Surtout, cette affirmation néglige que plus d’un million des 5,7 millions d’emplois de la fonction publique sont de nature contractuelle (20%)[1]. Or ces emplois sont ouverts à tous les étrangers, y compris extra-européens[2]. […]

En second lieu, Challenges prétend que les aides publiques dont bénéficient les demandeurs d’asile en France seraient plus faibles que dans d’autres pays européens dont l’Allemagne. Le chiffre de 204 € mensuels de l’allocation de demandeur d’asile est comparé à un chiffre présenté comme équivalent de 354 € en Allemagne. Or ce chiffre de 204 euros ne concerne que les demandeurs d’asile qui bénéficient d’un logement gratuit en France, alors que le chiffre de 354 € concerne à l’inverse les demandeurs d’asile sans logement en Allemagne. La France est en réalité plus généreuse que l’Allemagne envers les demandeurs d’asile […]

2. Un dossier à charge et partisan

[…]

3. De nombreuses contradictions internes

Ce qui frappe le plus, dans le dossier de Challenges relatif aux coûts et bénéfices de l’immigration, c’est la contradiction évidente, et presque systématique, entre le discours de la rédaction, qui ne semble voir que des bénéfices, et les études présentées, qui ne concluent que par des coûts. […]

4. Un dossier soutenu par des études mal comprises et dont ni la pertinence ni les limites ne sont évaluées

[…]

5. Plusieurs techniques de manipulation de l’opinion

[…]Première technique : la diversion […]

Deuxième technique : raisonner à l’échelle la plus large possible afin de diluer les dynamiques observées […]

Troisième technique : présenter comme consensuelles des positions qui ne le sont pas […]

Quatrième technique : minimiser la gravité des phénomènes […]

Cinquième technique : comparer ce qui n’est pas comparable […]

Sixième technique : présenter des phénomènes comme inéluctables ou sans alternative […]

Septième et dernière technique : la culpabilisation, ou accuser la population d’accueil d’être responsable des difficultés d’intégration des immigrés […]

Conclusion

L’article de Challenges se conclut sur un éditorial d’André Comte-Sponville, qui consiste essentiellement en une accumulation de banalités sur l’immigration, de contre-vérités et d’idées reçues dont l’inconsistance laisse songeur : « l’immigration […] ne pourrait aboutir qu’à un grand mélange, ce qui est tout autre chose qu’un grand remplacement » ; « le grand mélange est aussi ancien que la France » ; « le mélange vaut mieux que la consanguinité ». Avant de conclure par une lapalissade magistrale et assumée : « L’immigration zéro ? Ce n’est pas l’intérêt de la France. Une immigration absolument libre ? Ce n’est pas l’intérêt des Français. Il faut donc une immigration contrôlée ». Quand on n’a rien à dire, il faut savoir se taire… Face à un tel décalage vis-à-vis des enjeux actuels de l’immigration, on ne peut que comprendre le succès d’une certaine bravade : « Ok boomer ».

Reste que ce dossier relatif aux coûts et bénéfices de l’immigration révèle la grande difficulté dans laquelle se trouvent les journalistes de Challenges à percevoir les enjeux de ce phénomène en France, à comprendre les études citées ou simplement à connaître le fonctionnement de base de certains transferts – comme l’allocation de demandeur d’asile. On y observe une contradiction manifeste entre un discours très favorable à l’immigration et la réalité beaucoup plus pessimiste des données présentées. Plus généralement, il s’agit d’un exemple édifiant du décalage qui existe entre les craintes – souvent fondées – des Français vis-à-vis de l’immigration, et la vision – généralement idéalisée – qu’en donnent les médias.

L’intégralité disponible gratuitement sur l’Observatoire de l’immigration et de la démographie

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