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La ration alimentaire de combat des militaires français s’est taillée une excellente réputation dans les armées du monde entier. Elle contient des plats sophistiqués qui garantissent à la fois la santé et le moral des troupes. Nous sommes allés en cuisine.

Quel est donc cet « art d’être Français » invoqué par le président de la République Emmanuel Macron dans son discours du 25 avril ? Comment définir « cette manière très particulière d’être ce que nous sommes » ? On peut chercher la réponse à ces questions chez les écrivains, de Rabelais à Hugo, chez les historiens, de Michelet à Pierre Nora, chez les sociologues, de Durkheim à Edgar Morin…

On peut aussi analyser le contenu de la RICR, la « Ration individuelle de combat réchauffable » des militaires français. C’est un véritable condensé de la créativité et de la gastronomie françaises. De l’Afghanistan à l’Estonie, du Mali à l’Irak, la « rasquette » de France, comme la nomment les soldats de l’armée de terre, a acquis une solide réputation sur tous les théâtres d’opération. Dans cette boîte cartonnée rectangulaire de 1,5 kg qui permet de préparer trois repas, rien ne manque pour raviver le sentiment patriotique, fût-ce à des milliers de kilomètres de la métropole : ni la tour Eiffel sur la boîte d’allumettes ni les plats typiques. « These bloody French and their food », peste ainsi faussement un soldat britannique tout en se régalant d’une ration française, lors d’une dégustation postée sur YouTube.

Parmi les nouveautés 2019, très loin du « singe », le surnom donné au corned-beef apporté par les Américains, on trouve ainsi une salade de gésiers au quinoa rouge, du saucisson à la pistache, du thon au lait de coco et riz parfumé, un gratin de macaronis au boeuf… Ou encore un hachis parmentier de canard, un risotto de porc aux champignons, un cassoulet supérieur… Rien n’est trop bon pour rassasier les forces déployées loin de leur base. Au « mondial » des rations militaires, la française fait largement la course en tête. La preuve par le marché secondaire : on raconte qu’en Afghanistan, il s’échangeait cinq rations américaines pour une française.

Dans les MRE (« Meals ready to eat ») des Américains, longtemps surnommés « Meals refused by everyone », tous les ingrédients sont présentés dans de tristes sachets couleur caca d’oie. La RICR est, à l’inverse, une farandole bariolée, avec des marques historiques à 99%. La barre chocolatée vient de chez Klaus, chocolatier depuis 1856 en Franche-Comté, le cannelé au rhum arrive de Bordeaux, les pruneaux sont bien d’Agen, et les pâtes de fruits n’ont pas changé depuis l’époque de nos grands-mères. […]

Variété, équilibre alimentaire, traçabilité, durabilité, tout a été méthodiquement réétudié. Rien de pire pour le moral des troupes que la monotonie. Aussi y a-t-il quatorze versions différentes, qui doivent permettre de tenir une semaine sans manger une seule fois le même plat pour ceux qui ne consomment pas de porc, et même deux semaines pour les autres – des numéros 1 à 7, les menus sont avec porc, de 8 à 14, ils n’en contiennent pas.

Récemment, deux versions halal ont complété la panoplie. Tous les trois ans, un tiers des recettes est renouvelé, tandis que les palettes envoyées sur les théâtres d’opération sont composées de manière à assurer la diversité des menus. « Pour concevoir un plat, les critères liés au goût pèsent à 70% quand les arguments prix ne tiennent que pour 30%, promet Eric Henry, chef de la section vivres opérationnels au Commissariat des armées. On est loin de la soupe aux choux. Nos plats cuisinés sont travaillés pour tenir compte des traditions de toutes les régions françaises. On a ainsi développé le rougail saucisses inspiré de La Réunion, comme la saucisse de Strasbourg. » […]

(merci à HektorBebel)

Les Echos

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