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FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN – Bruno-Georges David est l’auteur d’ONG: compassion à tous les rayons? (VA Press, 2019). Pour lui, derrière les ONG se cache un véritable marché de la culpabilité.

(…) Leurs sollicitations marketing auprès des donateurs, parfois outrancières, stigmatisant ou caricaturant les problèmes, sont en complet décalage avec les attentes de solutions. Elles semblent incapables d’apporter des programmes collaboratifs et des recommandations participatives à défendre au niveau international.

Leurs prises de paroles singeant la communication publicitaire ne sont pas issues de conversations citoyennes, de collaborations ou de participations collectives massives. La notion d’expérience leur échappe, de même que l’importance de mener des actions simultanément plutôt que dans l’instantanéité. (…)

Justement, peut-on parler d’un business de la compassion, lié au penchant de notre époque pour cette dernière?

En définitive, qui représente les ONG, à part elles-mêmes et leurs propres soutiens et donateurs? Se pose ici la question de la relation qu’entretiennent les ONG avec leurs audiences. Les modalités de leurs financements favorisent les plus grandes structures, qui captent l’essentiel des fonds et ont les moyens et les infrastructures pour le faire. L’essentiel des communications ne consiste pas en des postures politiques ou des plaidoyers, mais fait appel aux émotions, à la bien-pensance compassionnelle, à la culpabilité.

C’est une discussion entre gens du Nord qui se parlent à eux-mêmes en prenant le Sud comme prétexte. (…) Je pense que les iconographies de la désespérance qui génèrent aujourd’hui des dons, avec leurs stéréotypes et leurs caricatures, provoquent l’effet l’inverse de celui recherché.

(…) On peut en conclure que le modèle compassionnel est certainement le plus rentable, au détriment d’un modèle politiquement engagé et rationnel. L’aspect politique est gommé au profit du marketing et de la rentabilité. Mais cela ne concerne pas que les ONG. Cela reflète effectivement un modèle généralisé de nos sociétés dans lesquelles l’émotion supplante la raison et la responsabilité individuelle.

(…)

Le Figaro

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