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Depuis janvier 2018, l’Algérie a expulsé des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants vers le Niger et le Mali dans des conditions inhumaines et, dans de nombreux cas, sans tenir compte de leur statut légal en Algérie ou de leurs vulnérabilités spécifiques, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.

En avril et en mai, Human Rights Watch s’est entretenu avec 30 migrants en provenance de différents pays d’Afrique subsaharienne qui ont déclaré que les autorités algériennes avaient effectué des descentes dans des zones où se trouvaient des migrants, en procédant à des arrestations en pleine rue ou sur des chantiers de construction et à des expulsions massives à la frontière avec le Niger ou le Mali, la plupart du temps sans leur donner de vivres ni d’eau. Ces migrants ont expliqué avoir été contraints de marcher des dizaines de kilomètres à travers le désert, par des températures élevées, avant de rallier des localités où ils ont pu obtenir une aide ou avoir accès à des moyens de transport privés.

« L’Algérie a le pouvoir de contrôler ses frontières, mais cela ne signifie pas qu’elle peut regrouper les gens en fonction de la couleur de leur peau et les larguer dans le désert, indépendamment de leur statut juridique et en l’absence de garanties de procédure équitables », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch.

Tous les migrants interrogés ont affirmé avoir été rassemblés avec des dizaines, parfois des centaines d’autres migrants subsahariens, dans les rues, lors de raids nocturnes dans les quartiers à forte concentration de migrants, ou sur leurs lieux de travail. Dans la plupart des cas, ont-ils précisé, les policiers ou les gendarmes ne demandaient pas à vérifier leurs papiers.

Certains qui ont dit posséder un visa valide, ou un certificat du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) assurant que leur demande de statut de réfugié était à l’examen, ont tenté en vain de convaincre les forces de sécurité qu’ils étaient en situation régulière. « Ils nous ont dit : ‘‘Vous êtes tous illégaux ici ; vous n’avez pas le droit d’être en Algérie’’. »

Selon les personnes interrogées, la police algérienne a passé à tabac des migrants, rejeté leurs demandes de récupérer leur argent et leurs effets, et à plusieurs reprises ont saisi leurs téléphones et autres possessions. Des expulsions sommaires ont également séparé des familles.

Emanuele, une Ivoirienne âgée de 30 ans, a déclaré à Human Rights Watch qu’elle était enceinte de huit mois et vivait avec son fils de deux ans à Oran, où elle était femme de ménage. Le 24 avril, à 4 heures du matin, la police a fait une descente dans son quartier de Coca, et elle a raconté qu’ils y ont regroupé des habitants au faciès, sans leur permettre de récupérer leur argent ou d’autres possessions. La police, a poursuivi Emanuele, l’a ensuite mise avec son fils dans un bus, aux côtés d’une centaine d’autres personnes – parmi lesquelles une autre femme enceinte et une mère et son nouveau-né –, au départ d’Oran, en route vers un entrepôt à Reggane, dans la province d’Adrar. Ils ont tous passé une journée sur place. Puis, le 26 avril à 5 ​​heures du matin, les autorités les ont contraints à monter à bord de camions, conduits jusqu’à la frontière et leur ont ordonné de se rendre au Mali. Emanuele n’avait que deux petites bouteilles d’eau pour elle et son fils.

Nous avons marché pendant des heures avant d’atteindre In Khalil. C’est à peine croyable : moi enceinte de huit mois, avec un garçon âgé de 2 ans, marchant dans le désert ? Il faisait si chaud que nous pouvions à peine respirer.

Un autre migrant de Guinée, arrêté à Tlemcen le 12 avril et reconduit à la frontière du Mali quatre jours plus tard, a témoigné : « Je n’ai plus rien. J’ai tout perdu. Je suis arrivé à Gao sans un sou en poche, sans téléphone et avec seulement un pantalon et une chemise. Nous avons été traités comme du bétail. »

Ahmed Ouyahia, alors chef de cabinet du président Abdelaziz Bouteflika, avait déclaré le 7 juillet 2017 que les migrants sont une « source de criminalité et de drogue » et que les autorités doivent protéger la population algérienne de ce « chaos ».

Le ministre de l’Intérieur, Noureddine Bedoui, a quant à lui assuré aux agences de presse, le 22 mars 2018, que les « rapatriements » de migrants sont effectués « à la demande de leurs pays d’origine ». Toutefois, aucun des migrants interrogés n’aurait bénéficié d’un programme de retour volontaire assisté, soit par l’intermédiaire de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), soit après avoir pris contact avec leurs consulats ou ambassades respectifs. […]

Human Rights Watch

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