Fdesouche

Nabil a appris la nouvelle en lisant la presse : Uber cesse ses activités au Maroc. Lundi 19 février, lui et les quelque 300 chauffeurs référencés sur l’application se sont retrouvés soudainement sans travail. « En me connectant, j’ai trouvé un message disant qu’à partir du 23 février, c’était terminé. »
Implanté à Casablanca et à Rabat, le groupe Uber, qui compte aujourd’hui 19 000 utilisateurs dans le pays, a décidé de renoncer au marché marocain. « L’incertitude réglementaire actuelle ne nous permet pas de fournir une expérience sûre et fiable […]. Ainsi, tant qu’il n’y aura pas de vraie réforme et un environnement favorable aux nouvelles solutions de mobilité, nous sommes contraints de suspendre nos opérations », indique un communiqué de l’entreprise américaine.

Cela fait près de trois ans qu’Uber, qui se présente comme « une plateforme de mise en relation » entre chauffeurs et passagers, tente de braver les obstacles juridiques au Maroc, où la loi oblige tout transporteur à détenir un agrément. Les chauffeurs Uber n’en ayant pas, ils exercent en toute illégalité. Le groupe californien a eu beau arguer qu’il existe un vide juridique lié au statut des VTC (voitures de transport avec chauffeur) et que les conducteurs ont un statut d’auto-entrepreneur, la pression exercée par les taxis, protégés par des syndicats influents, a fini par l’emporter.

« Ils ont gagné », lâche Nabil, désespéré. A 31 ans, ce Marocain originaire de la banlieue de Casablanca se dit victime de la croisade menée par les taxis. Depuis plus d’un an, les agressions de conducteurs de VTC émaillent l’actualité marocaine. Plusieurs vidéos relayées sur Internet montrent des chauffeurs assaillis par une horde de taxis déchaînés. En janvier 2017, les images choquantes d’une femme, conductrice du service de VTC Careem, un concurrent d’Uber, tabassée en pleine rue par plusieurs hommes, avaient particulièrement marqué les esprits.

« Leur technique consistait à passer une commande et à nous attendre à plusieurs pour nous agresser », raconte Nabil. Petit à petit, la paranoïa s’est installée. « On refusait les commandes dans les ruelles peu éclairées ou pour des utilisateurs dont les comptes venaient d’être créés. » Certains, comme Nabil, avaient trouvé la parade. En échangeant leurs comptes Uber, les chauffeurs se rendaient sur le lieu de prise en charge avec une autre voiture que celle qui était annoncée dans l’application. Ainsi, ils n’étaient plus identifiables. « Pour nous aussi, c’était effrayant, raconte Alia, une utilisatrice d’Uber à Casablanca. Il fallait monter à l’avant pour ne pas attirer les soupçons. Uber, c’est génial. Mais quand on a peur qu’une batte de baseball s’écrase sur le pare-brise, on y réfléchit à deux fois. »  (…)

Fdesouche sur les réseaux sociaux