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Le sociologue Jean-Pierre Le Goff ausculte la société française et ses palpitations avec humilité et patience. L’auteur de “La Gauche à l’agonie ? 1968-2017 “(Perrin, 2017) s’inquiète de voir nos dirigeants considérer le legs de l’histoire de France comme «un instrument qu’on pourrait manipuler à loisir».


L’équipe de campagne d’Emmanuel Macron arrivant à l’Elysée.

Comment expliquez-vous ce qu’on a appelé la «macromania»

Pendant quelques semaines, une partie de la France encouragée par la plupart des grands médias s’est placée sur une sorte de nuage politique et communicationnel où le «renouvellement», la «jeunesse», les «nouveaux visages» (dont beaucoup ont été reliftés pour l’occasion ou ont été accolés à celui d’Emmanuel Macron), l’«énergie», le «dynamisme», l’«optimisme»… allaient par la magie du verbe, la mise en scène et la communication permettre sinon de résoudre, tout au moins d’oublier temporairement les angoisses et fractures de la société française, en évitant les sujets qui fâchent: incivilités et violences , insécurité sociale et culturelle, vagues migratoires, influence des salafistes et des Frères musulmans dans certains quartiers, revendications de la PMA et de la GPA pour tous … […]

N’assiste-t-on pas à une certaine déculturation des élites ?

La crise des grands récits historiques et des idéologies du passé a entraîné un changement dans le rapport à la politique et à la culture. Déconnectée du récit national et des enjeux de société, la politique est devenue gestionnaire et comptable dans une optique étroitement adaptative ;
[…] Une sous-culture managériale avec sa langue de bois faite de «motivation», de «mobilisation», d’optimisme obligatoire et sa pléthore de «boîtes à outils» miracles a envahi l’ensemble des activités sociales. Le problème ne me paraît pas être avant tout celui des compétences professionnelles des élites et de l’utilisation des nouvelles technologies qu’on valorise comme des outils miracles, mais celui du rapport à l’héritage culturel français et européen fruit d’une longue histoire. Celui-ci ne peut être considéré comme un «instrument» qu’on pourrait manipuler à loisir ou un «culture» parmi d’autres et en perpétuelle redéfinition, mais comme un facteur structurant des identités individuelles et collectives liées à un pays et à une civilisation. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Les déclarations du candidat Macron sur les «crimes contre l’humanité» qu’aurait commis la France en Algérie et l’affirmation selon laquelle il n’y aurait pas de culture française ne sont pas considérées comme des «fautes» mais comme des «maladresses». ; il importe, par contre, de ne pas heurter la sensibilité de «chacune» et «chacun». Le fait que certains puissent dire à cette occasion: «Mais où il est le problème?» en dit long sur un certain état de déculturation. À la limite, qu’importe la rigueur intellectuelle, les significations précises des mots, l’Histoire…, le langage réduit à un outil de communication est devenu fluide et flottant. […]

Le Figaro

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