Fdesouche

Willem Frijhoff, professeur émérite d’histoire moderne à l’université libre d’Amsterdam, livre son regard sur les élections législatives du 15 mars, “dont la campagne est marquée par les discours islamophobes de Geert Wilders”.

Voici quelques années, trois chemins étaient encore possibles : le melting-pot, l’arc-en-ciel ou le communautarisme. Nous nous sommes orientés dans cette troisième direction. Pendant une période, tout le monde a pensé que l’islam allait constituer un nouveau pilier du système traditionnel qui organisait la société néerlandaise.

Cette campagne des législatives néerlandaises porte en particulier sur les questions identitaires, pourquoi de telles interrogations ?

“Les Pays-Bas sont un petit pays doté d’une forte identité vu de l’extérieur, mais qui n’en dispose d’aucune en réalité”.

Ils se sont construits par oppositions successives au fil des siècles : opposition entre l’Est et l’Ouest, entre la Hollande et le reste du pays, opposition entre le Nord et le Sud, et bien sûr opposition entre les protestants et les catholiques.

Ce clivage a été très fort, il l’est moins aujourd’hui, car la pratique a quasiment disparu. Mais il est en quelque sorte remplacé par l’opposition entre le christianisme et l’islam, dans un transfert étonnant, puisque cette minorité ne représente pas plus de 7 % à 8 % de la population.

Nous assistons ainsi à l’émergence de nouveaux partis, dont certains font référence à leurs racines musulmanes, précisément car il n’existe pas de consensus sur notre identité.

Comment expliquer l’obsession de Geert Wilders pour la question de l’islam ?

La communauté musulmane est une minorité modeste, mais très active, en comparaison avec la sécularisation accélérée de l’ensemble de la société néerlandaise. Faute de pratique, des églises ont même été converties en mosquées, en particulier à Amsterdam. Cela alimente l’idée d’une opposition entre ceux qui viendraient « voler » l’identité néerlandaise et ceux qui défendent l’héritage du siècle d’or, le siècle de Rembrandt et de Vermeer, dont on se rappelle d’ailleurs de façon parcellaire. […]

En quoi la référence à cet âge d’or est-elle tronquée ?

Au XVIIe siècle, la société n’était pas seulement chrétienne ; elle était en réalité très mélangée, ouverte aux Flamands, aux Allemands et aux Scandinaves… Même quelques musulmans étaient alors présents, qui pratiquaient de manière cachée. La société était avant tout commerciale, fondée sur des transactions permanentes, dans les affaires comme dans la politique. […]

Le Monde

Fdesouche sur les réseaux sociaux