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Libération – Le sociologue Didier Fassin revient sur le caractère sexuel souvent prononcé des interventions des forces de l’ordre dans les quartiers populaires.

«La volonté de blesser la masculinité de leur public est fréquente chez les policiers»ErISP2XC’est un élément qui revient souvent dans les récits des interpellations policières violentes au sein des quartiers populaires : un caractère sexuel prononcé. Insultes homophobes, testicules écrasés, fouilles appuyées des parties intimes, jusqu’au pire avec le viol présumé dont a été victime Théo à Aulnay-sous-Bois. Le sociologue Didier Fassin, professeur de sciences sociales à l’Institut d’étude avancée de Princeton, a écrit en 2011 la Force de l’ordre. Une anthropologie de la police des quartiers, résultat d’une immersion de quinze mois dans une brigade anticriminalité. Interrogé par mail, il revient sur cet aspect du problème.

Comment expliquer la dimension sexuelle des actes d’extrême violence subis par Théo ?

Les violences exercées par les policiers dans les quartiers populaires à l’encontre notamment des jeunes d’origine immigrée sont de deux types. Physique : bousculades, coups, placages, étranglements. Et moral : vexations, propos abaissants, insultes dégradantes. L’agression sexuelle décrite par Théo associe les deux : il s’agit de meurtrir et d’humilier tout à la fois un jeune homme qui a osé protester contre un énième contrôle d’identité. C’est vouloir lui faire perdre sa virilité, ce que confirment les propos qui accompagnent les violences : on le traite de «salope» et de «fiotte», on plaisante sur son «anus qui saigne». Les policiers croient affirmer leur masculinité en avilissant celle de Théo. Mais la dimension raciale et raciste est ici essentielle, comme le montre la qualification de «bamboula». Car l’homme noir incarne la virilité. Qu’il réponde ou résiste, et il faut la lui faire perdre. Des actes de sadisme comme ceux d’Aulnay-sous-Bois sont rares, mais la volonté de blesser la masculinité de leur public est en revanche fréquente parmi les policiers. […]

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