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Article d’Ariane Chemin, journaliste au Monde sur le retour du mot “assimilation” : “Intégration ou assimilation, une histoire de nuances”.

 

Pour bien des chercheurs, c’est ce modèle d’intégration fondé sur la ressemblance et l’invisibilité des populations qui est aujourd’hui en crise. Et cette crise ne sera sans doute pas réglée par le retour d’un discours assimilationniste musclé.

 

L’assimilation anticipe qu’au fil du temps et des générations, les populations issues de l’immigration se rapprocheront de plus en plus des natifs jusqu’à devenir indiscernables par rapport à ces derniers. Derrière cette perspective, on trouve l’hypothèse selon laquelle il existe un processus naturel par lequel divers groupes ethniques partagent une culture. Ce processus consisterait en une perte progressive de l’ancienne culture à l’avantage de la nouvelle”. (Mirna Safi, sociologue)

Il y a une quinzaine d’années, le mot « assimilation » fleurait bon la IIIe République. […] Après une longue éclipse, l’assimilation a effectué un retour en grâce inattendu dans les années 2000 : portée par les controverses sur l’islam, elle est désormais au cœur des débats sur l’« identité nationale ». […]

Si le terme a une tonalité martiale, c’est parce qu’il désigne un processus radical. « La notion d’assimilation fait appel à une métaphore digestive, explique Patrick Simon, sociodémographe à l’Institut national d’études démographiques (INED). Le corps social et les institutions sont censés digérer les nouveaux venus et les transformer en Français. Le but est qu’ils ne soient plus repérables dans la structure sociale, que leurs spécificités culturelles, religieuses ou sociales disparaissent afin qu’ils deviennent semblables en tout point aux Français.» Un parcours que le sociologue Abdelmalek Sayad résume en quelques mots : il s’agit, selon lui, de « passer de l’altérité la plus radicale à l’identité la plus totale ». […]

Notre droit de la nationalité est l’héritier de cette tradition assimilationniste. «Nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie pas de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française », précise aujourd’hui le code de la nationalité. […]

L’assimilation imposait la disparition de toutes les spécificités culturelles ; l’intégration admet que certaines puissent subsister.

L’assimilation exigeait que l’immigré fasse l’ensemble du chemin ; l’intégration estime que la société d’accueil a, elle aussi, un rôle à jouer. L’assimilation partait du principe que la société d’accueil sortait intacte de sa rencontre avec les nouveaux arrivants ; l’intégration considère qu’elle se transforme au contact de l’immigration. L’assimilation mettait en avant la convergence culturelle ; l’intégration insiste sur la participation démocratique, la cohésion nationale et le vivre-ensemble.

Pour Patrick Simon, ces deux notions sous-tendent une conception différente des relations entre les immigrés et la population majoritaire. « Dans l’assimilation, il n’y a aucune négociation : les nouveaux venus sont tenus d’adopter la langue, la nationalité et les pratiques culturelles de la société d’accueil, qui, de son côté, reste inchangée. Dans l’intégration, l’horizon est au contraire de construire de manière pragmatique une culture commune : il y a donc des interactions entre les nouveaux venus et la société majoritaire. Cette dernière reste maîtresse des lieux, elle définit les termes du compromis, mais elle se transforme et s’enrichit au contact des immigrés, en adoptant par exemple de nouvelles références musicales ou de nouvelles traditions culinaires, mais surtout en devenant plus cosmopolite. » […]

Pour la droite identitaire, le retour de l’assimilation est lié au comportement des immigrés : ils refusent, estime-t-elle, de se conformer aux usages de la société française. […]

Les chercheurs ont une autre explication : si le modèle d’intégration français s’épuise, ce n’est pas parce que les immigrés rejettent les traditions du pays d’accueil ni parce qu’ils sont musulmans plutôt que chrétiens, comme leurs prédécesseurs du XIXe ou du XXe siècle : c’est parce que ce modèle repose implicitement sur le fait que les nouveaux venus sont blancs.

[…] Le Monde

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