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Les enseignants doivent-ils signaler à leur hiérarchie les élèves susceptibles de verser dans la “radicalisation” ? Lors de son audition devant la commission des affaires culturelles du Sénat, le 3 juin, Najat Vallaud-Belkacem a fait état de 816 signalements entre septembre 2014 et mai 2015 – parfois à l’initiative des familles – et salué « la vigilance des établissements scolaires » en la matière. En leur sein, pourtant, on n’aime guère s’en féliciter.

Souvent, c’est dans le bureau du chef d’établissement que la décision se prend. La plupart du temps après un échange en tête-à-tête entre enseignant et proviseur ; parfois, aussi, après un débat élargi à tout ou partie de l’équipe pédagogique. Mais même quand la décision est prise collectivement, le «signalement» d’un élève pour «suspicion de radicalisation ou faits de radicalisation», selon la formule employée par la ministre de l’éducation nationale, ne va jamais tout à fait de soi.

Affecté depuis plus de vingt ans à Béziers, dans l’Hérault, dont le maire Robert Ménard a été élu en mai 2014 avec le soutien du Front national, Bruno Modica dit sentir «le ras-le-bol monter parmi certains collègues face aux affirmations identitaires». « “C’est toujours les mêmes qui posent problème” : cette petite phrase, on l’entend aussi parmi les professeurs. Il faut cesser de croire qu’ils sont tous de gauche. Parmi les 47 % qui ont voté FN à Béziers, la profession est elle aussi représentée ! ».

« J’ai eu un élève de terminale, en début d’année, qui a “testé” un discours djihadiste pour voir ma réaction, raconte un enseignant affecté dans le sud. Mais quand j’ai évoqué la question avec les personnels de la vie scolaire, ils ont tout fait pour étouffer l’affaire. »

Et si les personnels éducatifs acceptent d’en témoigner, tous ou presque réclament l’anonymat, pour préserver le bon fonctionnement des collèges et des lycées. Un indicateur du malaise que peut susciter une telle démarche, sans aller jusqu’à en contester la légitimité.

Quand s’inquiéter vraiment ? Comment distinguer ce qui relève de la provocation d’un début d’embrigadement ?

«Ce n’est pas aux professeurs de le faire, répond-on dans l’entourage de la ministre de l’éducation nationale. La prévention, la vigilance relèvent de leur responsabilité, éventuellement le repérage des jeunes en souffrance ou en dérive, mais c’est aux cellules de suivi pilotées par le préfet dans chaque département de se pencher, au cas par cas, sur les signalements.» […]

Pour fournir quelques repères aux professeurs, Najat Vallaud-Belkacem a rappelé, au Sénat, le faisceau d’indices sur lequel se fonder, allant du « discours intransigeant » à « l’allégeance inconditionnelle à une personne ou à un groupe », en passant par la « contestation de la société », la « rupture avec la vie antérieure » ou encore cette « marginalisation progressive » qui avait alerté le chef d’établissement parisien. Cette liste a été publiée dans un livret transmis à tous les personnels cet hiver, dans lequel le ministère s’est bien gardé de relayer les clichés – « habillement musulman » ou « barbe longue non taillée » – qui avaient fait scandale dans un précis antiradicalisation diffusé en 2014 par l’académie de Poitiers. […]

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