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Tribune de Bernard Guetta dans Libération : «Nouveaux nationalistes et nouveaux Bernard Guetta»

Les rangs des nouveaux jihadistes comme des électeurs europhobes se nourrissent d’un rejet désespéré d’un statut de laissés-pour-compte et le fait est que la crise du discours et des partis politiques y est pour beaucoup car la politique leur ment.

Ils ont un point commun qui dit bien des dangers. Les uns ont peur de l’islam et le haïssent, les autres s’en revendiquent au contraire. Tout semble les séparer mais, entre ces électeurs européens qui viennent d’assurer la progression des extrêmes droites europhobes et ces jeunes musulmans d’Europe partis combattre, en Syrie, avec les plus fanatiques des jihadistes, il y a une même angoisse identitaire et une même certitude que le salut serait désormais à chercher dans un repli communautaire, national ou religieux.

La politique ment et c’est ainsi que nouveaux nationalistes et nouveaux jihadistes en arrivent à se trouver des idéologues communs et deviennent fous, dangereusement fous.

Prenons ces petits-enfants de l’immigration musulmane qui rejoignent en si grand nombre les maquis syriens de l’Etat islamique en Irak et au Levant. Tous n’en reviennent pas pour aller tuer au Musée juif de Bruxelles mais tous ont un passé de gosses ballottés, perdus, paumés dans des pays que la naissance a fait leurs mais où leur nom ajoute un lourd parfum d’ailleurs à l’échec scolaire puis social. Il ne s’agit pas de leur trouver toutes les excuses puisque tant d’autres, avec le même handicap mais très majoritairement, ont su éviter leurs dérives mais le fait est qu’être pauvre et de famille musulmane est une double peine en Europe. La tentation peut alors être grande de se revendiquer comme avant tout musulman, d’en venir à détester l’Occident et de céder à une fascination pour cette ambition d’affirmer l’islam qu’est le jihad. […] Prenons, maintenant, les électeurs des partis europhobes. Le plus souvent ouvriers ou jeunes en mal d’un emploi stable, ils ont vu les grands partis de droite et de gauche se succéder aux commandes sans que rien ne change à la désindustrialisation de l’Europe, sans que le chômage n’y recule et que la protection sociale ne continue de s’y réduire. Ils n’ont plus guère de raisons de croire en l’alternance et si tous ne sont évidemment pas devenus néonazis, et très loin de là, tous sont dans un tel état d’insécurité sociale qu’ils ne voient plus d’autre solution à leurs maux que le retour aux frontières nationales, regardé comme l’antidote à une mondialisation dont l’Union serait le cheval de Troie. […] Libération

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