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Tribune libre de Paysan Savoyard

Le mouvement de « la manif pour tous » se poursuit donc. Des veillées chaque soir dans telle ou telle ville de France. Des défilés régionaux prévus. Une nouvelle manifestation nationale le 26 mai. C’est elle qui déterminera sans doute la suite du mouvement. Si la lassitude s’installe et que la participation faiblit par rapport aux manifestations précédentes, le gouvernement pourra considérer qu’il a cette fois gagné la partie.

Si en revanche la foule est encore plus nombreuse, la suite deviendra imprévisible : poursuite d’un cycle de manifestations régulières jusqu’aux municipales ; déstabilisation de l’UMP contrainte de s’engager nettement pour ou contre la poursuite du mouvement ; crise politique majeure débouchant sur une dissolution … ? A suivre.

  • La naissance d’un mouvement de fond


Le collectif d’organisation reste quant à lui déterminé à maintenir la pression sur le gouvernement, tout en confirmant sa ligne légaliste et apolitique. Le choix de la non-violence et la volonté de garder le contrôle de la manifestation ont conduit ce collectif à condamner les initiatives de groupes qualifiés « d’extrême droite et identitaires », jusqu’à demander au ministre de l’intérieur de protéger la manifestation contre leurs agissements.

Pour notre part nous ne sommes pas choqués outre mesure par le comportement du collectif de la manif pour tous: il n’est pas anormal que les personnes à l’origine du mouvement souhaitent en conserver la maîtrise et refusent qu’il soit récupéré par d’autres et dévié vers des thèmes différents de ceux choisis initialement.

Le collectif a choisi dès l’origine la stratégie de la non-violence et du légalisme, considérant qu’elle rendait le mouvement inattaquable. Nous partageons pour notre part cette vision des choses. Si des débordements graves et des violences avaient eu lieu, ils auraient permis au gouvernement de discréditer aisément le mouvement. Le nombre, la constance et la sérénité sont à n’en pas douter les meilleures armes.

Les proclamations d’apolitisme de la manifestation nous paraissent en revanche plus douteuses. Comme on le sait Frigide Barjot a été accusée de rouler pour l’UMP. Des hiérarques UMP sont ainsi intervenus à plusieurs reprises à la tribune des manifestations (tandis que les élus FN présents étaient eux interdits de tribune). Que le collectif de la manif et « Mme Barjot »  jouent ou non double jeu n’enlève rien à leur mérite, nous semble-t-il. Ils ont su déclencher un mouvement historique.

Pour la première fois depuis trente ans, le peuple attaché aux valeurs « traditionnelles » s’est mobilisé, sa jeunesse en première ligne. En outre, même si les slogans maîtrisés par « la manif » restent centrés sur le mariage, il est très probable que les préoccupations de la plupart des manifestants sont plus larges: ils veulent exprimer également leur attachement à la famille et leur respect pour les valeurs chrétiennes, composantes essentielles de l’identité française. Ils veulent dire leur refus de l’idéologie soixante-huitarde au pouvoir depuis quarante ans, leur rejet de la société libérale libertaire.

On peut ajouter que ces manifestations massives voient défiler, dans la sérénité et la joie d’être ensemble, une population bien élevée, bienveillante, partageant les mêmes conceptions… et intégralement blanche. Les manifestants ont nécessairement pris conscience de la valeur et de la force de cette dimension identitaire. Tout cela a été provoqué, volontairement ou non, par « la manif pour tous » : que grâce lui en soit rendue.

 

  • Vers quel débouché politique ?

Reste cette question. Quel peut être l’avenir politique de cette extraordinaire dynamique ? Le constat n’a rien de réjouissant : en l’état actuel des choses il n’y a pas de perspective qui soit de nature à satisfaire les aspirations des foules de la manif pour tous.

L’essentiel du cortège était composé à l’évidence de personnes votant UMP ou centre droit. Les électeurs du FN étaient également nombreux. Or ces personnes qui ont défilé côte à côte peuvent considérer qu’elles ne sont pas représentées politiquement de façon satisfaisante.

L’UMP en effet est à la fois divisée et malhonnête. Ses principaux responsables ont participé aux manifs… mais l’un d’entre eux et non des moindres, M. Fillon, s’est soigneusement tenu à l’écart. L’UMP s’est déclarée hostile au projet… mais ce parti n’a pas annoncé qu’il retirerait le mariage homo de la législation lorsqu’il reviendra au pouvoir. La quasi-totalité de ses parlementaires ont voté contre le projet de loi… mais, au moment décisif, quelques sénateurs de droite ont voté en sa faveur ou se sont abstenus. S’ils avaient voté contre, ils auraient obligé le projet à repasser une seconde fois devant le sénat et une troisième devant l’assemblée, retardant considérablement le processus et le bloquant peut-être.

Ces sénateurs alliés objectifs du gouvernement n’ont pourtant été ni sanctionnés ni désavoués par l’UMP. Une fois de plus l’UMP se comporte comme un complice du PS : opposition de façade ; objectifs et politiques identiques.

S’agissant du FN, ses deux parlementaires et la quasi-totalité de sa direction ont participé aux manifestations. Il a annoncé, lui, qu’il supprimerait le mariage et l’adoption homosexuels s’il parvenait au pouvoir. L’attitude duplice de l’UMP dans cette affaire du mariage pour tous conforte sans doute Marine Le Pen dans sa stratégie de refus d’alliance avec l’UMP et de dénonciation du conglomérat UMPS.

Cette foule qui défile contre le mariage homo et partage les mêmes valeurs et le même rejet de la société libérale libertaire, s’identifie donc à des formations politiques frontalement opposées.

Le FN dénonce l’UMPS et affiche ouvertement son objectif de faire éclater l’UMP. Quant à la droite elle sait qu’elle n’a pas besoin du FN pour gagner les élections décisives et qu’en sachant surmonter ses divisions internes elle retrouvera immanquablement le pouvoir : elle peut donc continuer à rejeter le FN comme « étranger à l’arc républicain ». Par ailleurs une grande partie de l’électorat UMP rend le FN responsable de la présence de la gauche au pouvoir : le FN rétorque lui que les politiques de la gauche et de la droite sont de toute façon interchangeables.

Unis dans les manifestations contre le mariage, au sein desquelles ils défilent indistinctement, les électeurs du FN et de l’UMP restent donc politiquement sur des rives opposées.

Pourtant selon les sondages une majorité d’électeurs du FN et une majorité de ceux de l’UMP souhaiteraient une alliance entre les deux partis. La présence de ces deux électorats dans les défilés de la manif pour tous est d’ailleurs un reflet de leur proximité.

La situation est donc la suivante. Si les choses restent en l’état, la droite reviendra prochainement aux affaires (en 2017)… pour y mener une politique qui ne sera guère différente de celle du PS. Se poursuivra ce cycle entamé depuis quarante ans où, à la faveur d’alternances factices, gauche et droite poursuivent le même projet, mondialiste, libéral, libertaire, laxiste et immigrationniste, qui mène le pays à la catastrophe.

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La dynamique de « la manif pour tous » conduira-t-elle à modifier cette situation figée et désespérante ? Peut-on attendre plutôt des élections de 2014 qu’elles viennent bousculer ces schémas mortifères ? A moins que, parmi les leaders politiques qui se reconnaissent dans les aspirations de la France française et anti soixante-huitarde mobilisée depuis six mois, quelqu’un sache imaginer l’initiative politique novatrice qui créera l’évènement, bouleversera le jeu, donnera enfin une perspective et entraînera les foules de « la manif pour tous » vers un chemin d’espérance.

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