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Elle est seule en scène, vêtue d’une robe dont le bleu rappelle le drapeau tricolore. Elle s’appelle Darina Al Joundi, mais on la surnomme Noun. Signes particuliers ? Née au Liban d’un père syrien, candidate à l’émigration en France pour cause de chasse aux sorcières féministes dans son propre pays. 
Noun est l’une de ces voix arabes qui n’ont de cesse de dénoncer ceux qui réinterprètent l’islam pour en faire une machine à transformer les femmes en animaux de compagnie. Longtemps, elle a résisté comme elle a pu, ravalant son honneur face à ceux qui la traitaient de « putain » pour son sens intransigeant de la liberté. Puis elle a craqué. Elle a décidé d’émigrer, jetant son dévolu sur la France, pays des droits de l’homme et d’un climat aussi tempéré que la démocratie. Elle raconte cette marche vers la liberté devenue le chemin de croix que connaît tout candidat à la naturalisation.
Sur scène, six panneaux à fond blanc permettent de simuler les différentes situations évoquées. Noun multiplie les allers et venues entre les souffrances avérées d’hier et les espoirs frustrés d’aujourd’hui.
Aux yeux de l’administration, en effet, toute personne qui n’est pas en mesure de prouver, documents officiels à l’appui, qu’elle est descendante d’un gaulois ayant combattu avec Vercingétorix, est forcément suspecte. 
Tel est le cas de Noun. Femme, arabe, musulmane, et artiste, c’est la quadruple peine. Elle a beau expliquer, se justifier, revenir à la charge avec la patience d’une nageuse traversant l’océan, il lui manque toujours quelque chose pour obtenir le sésame qui lui permettra d’obtenir «les papiers». 
Pourtant, elle ne lésine pas sur les moyens. « La Marseillaise », elle la connaît par cœur, mieux que n’importe quel « Français Français »,
comme elle dit non sans humour. L’hymne national forme d’ailleurs le fil bleu-blanc-rouge du spectacle, au point qu’elle en chante des extraits à foison. Les droits et devoirs du citoyen, elle sait ce que c’est.
Elle s’étonne même qu’au pays des Lumières, on soit si complaisant avec les adeptes d’un voile islamique dont elle connaît la symbolique pour en avoir subi les conséquences dans sa propre chair.
Car Noun est d’un bloc. Elle veut les « papiers » et les principes qui vont avec. 
Mais rien n’y fait. Et la coupe de la colère débordera lorsqu’on lui dira qu’elle ne peut obtenir la naturalisation tant espérée qu’à condition de renier ses origines et donc de tuer symboliquement son propre père.
Alors, de rage, Noun déchirera un à un les six panneaux blancs à traverse lesquels elle se faufile depuis le début d’un spectacle mis en scène avec sobriété et efficacité par Alain Timar. Envers et contre tout, elle continuera à chanter « La Marseillaise » à défaut de pouvoir dire « Ma Marseillaise ».   (…)

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