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Tribune libre de Cadoudal
Plus que des éléments de notre identité nationale, les paysages en sont, pour qui sait les lire, une sorte de résumé. Au centre, un village dont l’aspect reflète à la fois la géologie et les savoir-faire des bâtisseurs. Le clocher de l’église dépasse des toits pour s’élever vers le ciel. Les champs et les vignes ont été conquis sur les terres sauvages. Les futaies de chênes nous parlent du temps de Colbert et de la marine à voile…
Ces paysages patiemment bâtis ont profondément évolué au cours des dernières décennies. Si l’urbanisation galopante de l’après-guerre les a visiblement modifiés, l’idéologie protectionniste qui est censée leur venir en aide est, au contraire, sur le point de les enterrer.

La tempête Xynthia et les décisions qui lui font suite mettent en lumière l’absurdité de la politique d’aménagement du territoire menée en France depuis maintenant plusieurs décennies. Cette politique est volontairement laxiste quand il s’agit de laisser construire n’importe quoi n’importe où (Côte d’azur), avant de verser dans le fatalisme – voire dans l’animisme – quand il s’agit d’expliquer les catastrophes. Les propos de Philippe de Villiers après la tempête illustrent parfaitement ce second point : la mer est plus forte que les hommes, les zones inondées doivent retourner à la nature. Il ne s’agit donc plus de faire marcher son cerveau et ses muscles pour faire le meilleur usage possible d’un site mais plutôt d’appliquer partout les mêmes méthodes de construction standardisée (grandes surfaces et pavillons, laids mais économiques) en attendant de faire un mea culpa médiatique. Un mea culpa au cours duquel on s’avouera vaincu, non par l’insistance des promoteurs et l’appât du gain mais par une “Nature” qui se venge, contre laquelle il serait vain de lutter.

Une “Nature” au nom de laquelle on retire par ailleurs des hectares de campagne au monde rural (agriculteurs, chasseurs…) pour les confier aux scientifiques et aux associations écologistes. Une “Nature” que l’on invite vivement à reprendre ses droits en montagne (réintroduction de l’ours, retour de la forêt suite à la déprise agro-pastorale) mais qui n’est tolérée en ville que sous forme de gazon sous les tramways. Une “Nature” qui remplace progressivement dans les esprits la campagne, les champs, lesquels étaient des lieux de vie et non des musées à ciel ouvert. Car si les constructions modernes ont objectivement enlaidi une bonne part des paysages français, si les tours détruisent l’harmonie des enfilades de toits et cachent les clochers des églises, si les banlieues et les campagnes péri-urbaines ne ressemblent plus à rien, tout cela n’a pas nécessairement entamé le goût du public pour les beaux paysages. Même les publicitaires l’ont compris, qui collent des images de petits villages tranquilles sur nombre de produits d’alimentation.
Le danger vient essentiellement du fait que, parallèlement à l’enlaidissement de nos paysages, s’installe l’idée que seules les zones naturelles et la sacro-sainte “biodiversité” sont dignes d’être admirées et protégées. Ainsi, la lecture de paysage est remplacée à l’école par une “sensibilisation” à la sauvegarde d’espèces et de biotopes particuliers, lesquels peuvent d’ailleurs tout aussi bien se trouver en France que dans l’Arctique ou en Amazonie. Il s’agit davantage de s’émerveiller devant le “spectacle de la Nature” que de comprendre comment une société s’adapte à son environnement physique au fil des siècles, créant ainsi des paysages et une identité. Les paysages français sont donc pris en étau entre d’une part, des intérêts financiers peu compatibles avec l’esthétique et le respect des héritages et, d’autre part, une vision idyllique et infantilisante de la “Nature” aboutissant à la négation des mérites des peuples à avoir su mettre en valeur leurs terres. Dans un pays où jadis un paysage admirable pouvait surgir à chaque détour de chemin, nous ne voyons désormais plus que les standards imposés par la démocratie marchande et son corrollaire : le snobisme écologique.

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