Fdesouche

Par Michel Santi

Le drame grec achève de démontrer la fragilité de notre très sophistiqué système bancaire et financier, ainsi que l’étroite interdépendance de l’ensemble des intervenants à cet écheveau, dont il suffirait qu’un des acteurs importants périclite pour entraîner dans sa chute l’intégralité de la toile… Entreprises stables, établissements bancaires sains ou même Etats dits “développés” et à l’économie intégrée et moderne, se retrouvent ainsi aujourd’hui en première ligne de feu, dès lors qu’ils sont, de près ou de loin, en affaires avec des entités potentiellement sur la sellette.

C’est la morale qu’il convient de tirer des déconfitures de Bear Stearns et de Lehman, c’est également les leçons de la quasi faillite grecque qui, au passage, met l’Union Européenne face à ses propres carences, car une dérive de ce pays aurait des conséquences dévastatrices sur un système bancaire européen qui appelle ardemment de ses voeux un renflouement grec, même au prix d’une humiliante intervention du F.M.I.

Le gouvernement allemand, grand prêtre de la morale et de l’orthodoxie, ne se retrouve-t-il pas ainsi confronté à la banqueroute potentielle de certaines de ses Landesbanken – pour certaines heureuses détentrices de la notation AAA – ayant déjà perdu des dizaines de milliards d’Euros dans les subprimes, et qui sont en outre fortement à risque vis-à-vis d’un défaut grec, du fait de leur très forte exposition à ses CDS ?

De surcroît, les banques françaises ne sont-elles pas, avec des encours de l’ordre de 60 milliards d’Euros, les plus exposées de l’Union envers la Grèce, sachant qu’elles se situent au second rang des établissements européens, au niveau de leur risque vis-à-vis de l’Espagne et du Portugal ? L’ampleur des dégâts potentiels sur la seule Espagne semble massive, car les banques hexagonales y sont exposées à hauteur de 180 milliards d’Euros [Note de Fortune : selon la BRI – Banque des Règlements Internationaux – ; information donnée par Le Canard Enchaîné du 17 février 2010, page 2] !


Certains Etats fragiles, parce que jeunes, des Balkans, ne sont-ils pas tout aussi menacés par une banqueroute d’un pays comme la Grèce, qui a représente le second plus important investisseur étranger dans un pays comme la Macédoine ? Les Grecs y sont effectivement omniprésents : le système bancaire macédonien leur appartient à près de 30%, celui des télécom à 17%, de l’énergie à 25%, de l’alimentation à 10%, sachant que les investissements et entreprises grecs en Macédoine emploient 6% de la population active de ce pays…

En réalité, les fondations même de l’ensemble de la région balkanique semblent s’échapper sous les pieds de certains petits Etats de la région qui, ayant connu une fièvre d’investissements grecs dès le milieu des années 90, commencent déjà à souffrir de la fermeture du robinet des liquidités grecques. Les banques grecques n’ont-elles pas usé et abusé de l’opportunité qui leur était offerte, par la BCE, d’un financement quasi gratuit grâce à la mise en garantie de Bons du Trésor grecs, dont la valeur est aujourd’hui pour le moins remise en question ?

La Suisse elle-même, n’est-elle pas la nation du continent Européen qui, avec près de 45 milliards d’Euros, aurait le plus à souffrir d’une débâcle grecque, eu égard à son P.I.B. qui, selon Morgan Stanley, en serait affecté à hauteur de 12% ?… La France suivant, quoique loin derrière grâce à sa taille, mais qui en souffrirait toutefois à raison de 2,5% de son P.I.B. !

Les Grecs, c’est entendu, ont accumulé force déficits, en important et en s’endettant abusivement. Pour autant, l’épargne allemande n’est-elle pas proportionnelle à la fièvre dépensière des cigales européennes ? L’Allemagne, industrieuse et exportatrice, aurait-elle bénéficié de la même prospérité, ces vingt dernières années, si des nations comme l’Italie ou l’Espagne avaient appliqué à l’interne cette politique rigoriste dont se sont targués tous les gouvernements allemands successifs ?

L’Union est donc aujourd’hui confrontée à ses propres démons et il y a fort à craindre qu’elle ne réagisse – une fois de plus – en ordre dispersé. Les pays riches agiront donc dans leur seul intérêt, à savoir celui de la moindre dépense… Ce réflexe tristement et intrinsèquement européen du chacun pour soi, dès lors qu’il faut puiser dans ses réserves de guerre ou faire preuve de solidarité, finira en un sauvetage des banques engagées en Grèce, plutôt que dans l’assistance à l’Etat grec.

Gestion Suisse

Article relié (merci à Pakc) :

Grèce : risque systémique de crise financière en Europe

La crise financière grecque pourrait précipiter une réaction en chaîne d’autres pays européens et mettre en difficulté le secteur bancaire allemand, estime le Bafin, l’autorité de tutelle du secteur financier allemand, cité par le magazine Spiegel.

« Le plus grand danger pour le secteur financier allemand provient des difficultés collectives des PIIGS » (Portugal, Irlande, Italie, Grèce et Espagne – Spain, en anglais), selon un mémorandum interne du Bafin. La Grèce pourrait « éventuellement être à l’origine d’une dislocation » de l’ensemble du système, selon le mémorandum cité par l’édition du Spiegel à paraître lundi.

« Des problèmes graves de turbulences dans les marchés pourraient être provoqués par des spéculations et des problèmes financiers touchant l’ensemble des PIIGS », selon le Bafin, qui estime que ces pays détiennent pour 522,4 milliards d’euros d’obligations émises par des banques allemandes.

Par ailleurs, plusieurs banques allemandes sont particulièrement exposées en Grèce, dont la Hypo Real Estate (HRE), à hauteur de 9,1 milliards d’euros, selon le Bafin. HRE, qui a déjà subi des pertes massives du fait de la crise financière mondiale, a dû être nationalisée en juin.

Parmi d’autres banques très exposées en Grèce figurent la Commerzbank, qui détiendrait 4,6 milliards d’euros d’obligations grecques, ainsi que les banques régionales LBBW (2,7 milliards d’euros d’obligations grecques) et Bayern LB (1,5 milliard d’euros d’obligations).

News banques (reprenant une dépêche de l’AFP)

Fdesouche sur les réseaux sociaux