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Menée à la hâte, la réforme de l’audiovisuel montre ses premiers signes de faiblesse. Le rapporteur public a tout simplement demandé au Conseil d’État d’annuler la suppression de la publicité. Autre épreuve, la fédération des télécoms a convaincu que le montage financier de la réforme entravait les règles européennes.

Nicolas Sarkozy vient d’essuyer un sérieux revers sur un sujet qui lui tenait à cœur : la suppression de la publicité sur les chaînes de télévision publiques.
Tout juste un an après la disparition de la pub de nos écrans, le Conseil d’État a examiné le recours formé par le groupe communiste, républicain et citoyen (CRC) du Sénat, qui en demande l’annulation. Ce n’est pas que le groupe CRC soit un farouche partisan de la « réclame » : les raisons invoquées sont de simples motifs de procédure. La loi sur l’audiovisuel public a, en effet, été promulguée le 5 mars 2009, alors que la disparition de la publicité des programmes du soir de France Télévisions était effective deux mois plus tôt, dès le 4 janvier. Une loi appliquée avant son vote définitif. On comprend que le procédé n’ait pas fait l’unanimité parmi les sénateurs.

Le Rapporteur public a demandé au Conseil d’État « d’annuler la décision » de suppression de la publicité, dénonçant « la piètre gestion d’un dossier sensible » et la « mauvaise gouvernance » des pouvoirs publics. Dès lors, il juge « imparable » la demande d’annulation de la décision supprimant la publicité sur les chaînes du groupe France Télévisions, à compter du 5 janvier 2009, entre 20 heures et 6 heures.

Le Conseil d’État devrait rendre sa décision d’ici à trois semaines. Et si on imagine mal une telle réforme remise en cause, il n’en reste pas moins que les critiques formulées par le Rapporteur en disent long sur la gouvernance Sarkozy.
Passée l’épreuve du Conseil d’État, la réforme de l’audiovisuel devra surmonter une autre difficulté. D’une toute autre ampleur. Suite à la plainte des opérateurs télécoms, la France a également été épinglée par Bruxelles en ce qui concerne la taxe imposée depuis mars 2009 par la France au secteur des télécoms pour financer l’audiovisuel public. D’un montant de 0,9% du chiffre d’affaires de chaque société, les revenus sont reversés au groupe public France Télévisions pour compenser la perte de recettes publicitaires liées à la suppression progressive de la publicité dans l’audiovisuel public. Or, c’est « une charge administrative incompatible avec le droit européen », a estimé jeudi la Commission européenne. Ce qui retoque le montage prévu par Paris.
La « taxe télécoms »
La Fédération des télécoms, puissant lobby qui regroupe tous les opérateurs, avait fait valoir que cette taxe allait à l’encontre d’une économie moderne, et constituait un frein à la croissance et à la compétitivité françaises. Des arguments auxquels Viviane Reding s’est montrée particulièrement sensible. La commissaire européenne a, en effet, estimé que : « Non seulement cette nouvelle taxation ne semble pas compatible avec les règles européennes, mais elle vient frapper un secteur qui est aujourd’hui l’un des principaux moteurs de la croissance économique ».
Car, selon Lepoint.fr, les opérateurs ont « caché durant de longs mois une arme secrète qu’ils n’évoquaient que par messes basses : une directive européenne du 7 mars 2002 limite strictement, à l’article 12, les taxes administratives pouvant être imposées aux telcos ». Et l’audiovisuel public ne fait pas partie des charges qu’on peut leur imputer.
Une mise en demeure a été envoyée au gouvernement français. La France a deux mois pour répondre. La taxe étant censée rapporter près de 400 millions d’euros, les enjeux du dossier s’annoncent très lourds.
Car si les opérateurs confirment leur victoire, c’est l’ensemble du montage financier de la suppression de la publicité qui s’en trouvera remis en question. Et donc la réforme en elle-même, en ces temps difficiles… L’addition en reviendrait, en effet, uniquement au contribuable et elle n’en sera que plus lourde. De fait, le gouvernement devrait y réfléchir à deux fois avant de poursuivre une réforme et supprimer la publicité également avant 20 heures comme le projet le prévoyait à l’origine.
Marianne

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