Fdesouche

A la suite de l’agression violente d’un machiniste, l’été dernier, à la cité les Tilleuls (Blanc Mesnil), les pouvoirs publics ont décidé de mettre en place, entre 16 et 22 heures, une escorte policière quotidienne sur la ligne de bus 148. Libération nous fait le récit d’un trajet «sans incident» dans un bus à bord duquel a pris place une escorte de CRS.

«Le dispositif s’arrête juste au moment où on en a le plus besoin» , déplore un machiniste qui, comme tous ses collègues, a requis l’anonymat. En cette période de fêtes de fin d’année, tous redoublent de vigilance : «Comme d’habitude, se lamente un conducteur, certains vont se lancer un défi : c’est à qui brûlera le plus de voitures.» Le soir de la Saint-Sylvestre, les bus devraient rentrer plus tôt au dépôt, et il n’est pas exclu qu’ils évitent de traverser les Tilleuls.

«Récemment, dans un autre bus, j’ai vu un ado se rapprocher ostensiblement d’un policier avec son portable qui crachait de la musique à fond, poursuit-elle. Le CRS a fait comme si de rien n’était.» raconte une femme toulousaine d’origine.

Le bus 148 quitte bientôt Drancy pour aborder sa dernière étape, Le Blanc-Mesnil. «Les policiers ne servent à rien, dit un jeune Black à l’arrière du bus. Au contraire, ils font monter la tension.» A ses côtés, une jeune fille répond, vindicative : «Aux Tilleuls, les garçons se tiennent tranquilles parce qu’il fait froid. Mais dès qu’il va faire beau, c’est reparti pour un tour !»

C’est le seul secteur où la tension est réellement palpable durant le trajet.«Ici, le bus peut très facilement être coincé par les jeunes» , dit le chauffeur alors qu’il s’engage dans un virage à angle droit. En novembre, quatre adolescents ont bloqué un bus pendant qu’un autre montait pour tabasser à coups de batte de base-ball un jeune d’un quartier voisin. Le machiniste a réussi à manœuvrer, obligeant l’agresseur à prendre la fuite, avant de conduire la victime à l’hôpital.

Dans ce quartier, les chauffeurs redoutent aussi une possible collision accidentelle avec ces minimotos que conduisent certains jeunes sans casque. «En cas d’accident, on risque gros, les attroupements se forment très vite ici» , dit un conducteur. (…)

Ce soir, la traversée du quartier des Tilleuls se déroule sans encombre. Au retour, alors que les policiers ne sont plus là, trois jeunes en sweat-capuche de rigueur, montent sans répondre au salut du chauffeur, ni valider le moindre titre de transport. «Ils font ce qu’ils veulent ici, susurre le machiniste. C’est leur territoire.» Aucun contrôleur n’est visible à l’horizon. Trop risqué.

Malgré les incivilités et, plus rarement, les agressions, les chauffeurs interrogés affirment aimer leur travail, et ne pas avoir la peur au ventre quand ils prennent le volant. «On n’est pas à Bagdad quand même !» s’écrie l’un d’eux.

Au quotidien, les machinistes sont surtout confrontés aux insultes de passagers à bout de nerfs, qui ne sont pas forcément des jeunes à capuche. Parfois, sur le trajet, certains «s’amusent» aussi à les aveugler avec de puissants lasers qui éclairent à 200 mètres. Un responsable syndical témoigne : «Les machinistes encaissent. Mais, au bout de plusieurs années, beaucoup craquent et demandent à changer de ligne.» Un conducteur déclare : «C’est toute la société qu’il faudrait changer.» A cela, la police ne peut pas grand-chose.

Source : Libération

Fdesouche sur les réseaux sociaux