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À la manière d’un jeu de dominos, ces petits commerces ferment les uns après les autres, après avoir poussé tels des champignons à l’ombre des barres HLM ou au cœur de cette France des sous-préfectures, celle de l’«angle mort» et des laissés-pour-compte. Épiceries orientales, restaurants kebab, bars à chichas, «barber shops» et maintenant ongleries , boutiques de cigarettes électroniques, de réparation de téléphones… beaucoup vivotent. Leurs vitrines sans vie en disent long sur le caractère quasi fantomatique de leur activité, faisant planer le soupçon du trafic, et leurs enseignes, parfois très voyantes, provoquent l’exaspération des élus locaux qui craignent pour l’image de leur commune.

Certains n’hésitent plus à pointer du doigt ces commerces ayant pignon sur rue et qui seraient, selon eux, en lien avec des «caïds» désireux de blanchir l’argent des trafics de drogue . Devant le Forum français de la sécurité urbaine, comme l’a relaté La Gazette des communes, une élue communiste d’Ivry-sur-Seine a ainsi dénoncé, en mai dernier, l’emprise d’une « criminalité organisée violente» et « celle qui, d’apparence, est non-violente mais a de réelles conséquences ».

« Depuis plusieurs mois, nous voyons bien que nombre de petits commerces affichant une activité résiduelle attirent l’attention, réagit la commissaire divisionnaire Anne-Sophie Coulbois, chef de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière. Mais nous ne sommes pas face à un phénomène nouveau ni à un blanchiment massif du produit de l’activité des groupes issus de la criminalité organisée: ce n’est pas en multipliant les coupes de cheveux à 10 euros que l’on va lessiver l’argent de la drogue. »

Les experts estiment que le secteur de narcotrafics génère environ 2,7 milliards d’euros de gain par an en France. Soit 0,1 % du produit intérieur brut national. « Les trafiquants les plus importants externalisent leurs opérations de blanchiment auprès des réseaux spécialisés qui proposent, en contrepartie, le versement de devises à l’étranger, des investissements immobiliers ou dans des parts de sociétés à l’international ou encore des cryptoactifs , explique Anne-Sophie Coulbois. Ces réseaux spécialisés se rapprochent d’entrepreneurs douteux du BTP qui ont besoin d’espèces pour rémunérer leurs salariés non déclarés.» […]

À la faveur des opérations qui s’enchaînent, policiers, gendarmes et douanes dévoilent les contours des trafics qui gangrènent même le cœur battant de la France: pas moins de 45.000 opérations antifraudes ont été réalisées sur l’ensemble du territoire de la ville de Paris en 2022. Dans le cadre de près de 500 opérations, des redressements ont été menés à hauteur de 850 millions d’euros pour la fraude fiscale , environ 75 millions pour la fraude sociale. Au total, plus de trois tonnes de tabac, près de 1200 litres d’alcool destiné à la vente illégale et 300.000 articles de contrefaçon ont été saisis par les douanes, sachant que 98 fermetures administratives ont été prononcées pour des motifs de travail illégal, de vente illégale de tabac ou d’alcool. « Cette économie grise représente une concurrence déloyale et tout à fait intenable pour le commerce traditionnel qui paie des charges depuis des années», insiste Anne-Sophie Coulbois. […]

Le Figaro

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