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À la veille de l’anniversaire de la promulgation de la loi de 1905, l’Ifop a publié une «enquête auprès des Français musulmans sur les questions de religion et de laïcité». Son auteur, François Kraus, analyse ces résultats. François Kraus est directeur du Pôle Politique et Actualités de l’Ifop. Il publie une étude Ifop-Elmaniya.tv sur le sens que les Français musulmans donnent à la laïcité et la place qu’ils accordent aujourd’hui à la religion à l’école et dans la société.

Quels sont les principaux enseignements à tirer de cette étude ?

La principale conclusion de l’étude est que dans leur grande majorité, les musulmans échappent au mouvement de sécularisation qui affecte depuis des siècles le reste de la société française. Or, leur haut degré de religiosité s’accompagne non seulement d’un niveau d’orthopraxie très marqué – spécialement sur le plan alimentaire et vestimentaire – mais aussi de tout un ensemble des revendications d’expression religieuse dans la vie quotidienne (école, rue, sport…) qui rentrent en opposition frontale avec l’arsenal législatif ou réglementaire actuel.

Là-dessus, ces résultats confirment bien les conclusions d’Hakim El Karoui qui, en analysant les données d’une grande enquête faite en 2016 auprès des musulmans (Ifop-Institut Montaigne), percevait déjà chez nombre de Français musulmans des attitudes «sécessionnistes» par rapport au reste de la société française (Hakim El Karoui, L’islam, une religion française , 2018, p.56). En effet, s’avérant extrêmement critiques à l’égard des modalités d’ application de la laïcité en France , les Français musulmans affichent, pour la plupart, un système de valeurs sur les questions laïco-religieuses en rupture avec les valeurs de la République prônées par les pouvoirs publics. Pour les experts de ces questions, ce n’est pas réellement une surprise car d’autres études l’avaient déjà montré ces dernières années mais celles-ci ne reposaient pas sur un échantillon aussi solide et le fossé avec le reste de la population n’apparaissait pas aussi béant.  […]

La vraie nouveauté de l’enquête vient plutôt dans les chiffres qui montrent que les musulmans rejettent aussi la base de la laïcité de 1905 , à savoir le non-financement public des imams et des mosquées, principe qui fait pourtant consensus dans le reste de la société. En effet, les Français musulmans sont favorables à 75% à l’idée d’étendre le concordat d’Alsace Moselle à l’ensemble des territoires et des religions (islam compris).

Enfin, troisième enseignement, les musulmans expriment le souhait d’une sorte de «laïcité à la carte», qui se traduit par le fait de pouvoir décider en tant qu’élève ou parent d’élève du contenu même des enseignements (50% des musulmans interrogés jugent que les élèves peuvent ne pas assister aux enseignements qui heurteraient leurs convictions religieuses). Or, cette conception, en rupture complète avec le point de vue du reste de la société sur le sujet, est bien un «sujet d’actualité» quand on voit les réactions dans un collège d’ Issou autour d’une peinture représentant cinq femmes dénudées : les élèves accusant leur professeur de racisme, estimant notamment que montrer des femmes nues à des élèves de confession musulmane est une «provocation». […]

Bref, difficile de ne pas voir dans ces chiffres du grain à moudre à ceux qui voient doucement se dessiner une contre-société musulmane se distinguant sur tout un ensemble de points du reste de la population : c’est la banalisation d’un «halal way of life» , qui ne se limite pas qu’à l’alimentation mais se retrouve dans la façon de s’habiller, dans la sociabilité ou la vie intime (le choix du conjoint). Et ces marqueurs ne sont pas purement spirituels, comme on pourrait le croire avec nos cadres de pensée judéo-chrétienne : un musulman sur deux affirme que la religion influence ses choix politiques, alors que les adeptes des autres religions se situent à peine à 20%. On ne peut que le déplorer mais la manière dont la majorité des musulmans conçoivent le rapport de leur religion avec la société est bien en décalage croissant avec le reste du pays, le renforcement de leur religiosité se faisant essentiellement au fil du renouvellement des générations.  […]

Le Figaro

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