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Jérôme Fourquet : Mais la déglingue procède aussi d’un autre phénomène, à savoir le développement d’une nouvelle matrice éducative, celle de l’enfant roi. On a retrouvé à l’Ifop une enquête de 1973 demandant aux enseignants s’ils arrivaient systématiquement, la plupart du temps ou difficilement, à obtenir le silence et la discipline dans leur classe. À l’époque, 60 % des enseignants disaient n’avoir aucun problème. Aujourd’hui, ce taux est tombé à 30 %. Les enseignants ne sont certes plus les mêmes, mais les publics en face ont également changé. Leurs élèves n’ont pas du tout été structurés et préparés par la cellule familiale dans les mêmes conditions, y compris psychologiques et affectives, que les générations précédentes. 

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Jean-Pierre Le Goff : Sur l’immigration, comme dans d’autres domaines, les citoyens ont de plus en plus le sentiment que la France a perdu la maîtrise de son destin et que les règles édictées par l’Union européenne y sont pour beaucoup. A cela s’ajoute le phénomène culturel que constitue, qu’on le veuille ou non, le choc des cultures et des civilisations concernant la séparation du politique et du religieux, la compréhension et l’adhésion au modèle républicain, l’égalité des hommes des femmes dans la société… L’immigration non contrôlée conduit à des situations d’errance et à une forme de « no man’s land anthropologique », pour reprendre une expression d’Emmanuel Todd dans Le Destin des immigrés (1994). C’est sur ce terrain anthropologique en morceaux que l’islamisme peut se greffer comme une forme de restructuration communautariste marquée par le ressentiment et la haine envers notre culture et notre civilisation. Ce qui peut déboucher sur le fanatisme et le terrorisme.

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Jérôme Fourquet : L’idée n’est pas de minimiser ce qui s’est passé l’été dernier au moment des émeutes : 500 quartiers à feu et à sang, un bilan matériel et humain beaucoup plus lourd que les émeutes de 2005, alors que la période émeutière a été plus courte, avec près de 800 membres des forces de l’ordre blessés, des centaines de millions d’euros de dégâts. Mais nous n’avons pas vu de mouvement organisé répondant à un mot d’ordre. On parle souvent de guerre civile sur une base communautaire ou ethnique, mais il n’y avait aucune référence à l’islam, aucun drapeau étranger brandi par ces émeutiers, qui s’en sont pris à la fois à des symboles de l’État – les mairies, les écoles – mais également aux supérettes, aux bureaux de tabac et aux McDonald’s. On est donc sur autre chose que des ferments de guerre civile.

Si on reste sur ces quartiers, on constate que la géographie des émeutes se superpose assez bien à celle du trafic de drogue aujourd’hui, qui lui pour le coup se structure. En trente ans, les choses ont considérablement évolué ; il y a un monde entre la réalité de la société française décrite par le film La Haine (1995), et Bac nord (2020). L’usage des armes à feu et des mortiers d’artifice, l’ampleur des moyens financiers, la violence utilisée, le nombre de quartiers concernés : tout ça n’a plus rien à voir. Dans notre histoire contemporaine, le monopole de la violence légitime de l’État n’a quasiment jamais été contesté sur notre territoire. Or, aujourd’hui, dans ces quartiers, on demande leur carte d’identité aux résidents, des check-points sont installés nuit et jour ; une fois que les policiers ont fini leurs descentes, ce sont les dealers qui reprennent immédiatement le contrôle de ces territoires. Ils le font aussi dans une stratégie de conquête des cœurs et des esprits. Par exemple, cet été, à Cavaillon, des dealers ont installé une piscine gonflable et un toboggan pour gagner la bienveillance des habitants et prendre petit à petit prise sur le quartier. Je ne pense donc pas que nous soyons à la veille d’une guerre civile, mais nous avons des problèmes sécuritaires extrêmement sérieux, que notre État n’a jamais eu à affronter dans notre histoire contemporaine.

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Le Figaro

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