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La diffusion d’idées progressistes venues des universités nord-américaines a incité de nombreux Français à réfléchir à deux fois avant de choisir leur costume d’Halloween. Esmeralda, Aladdin et autre Pocahontas sont souvent restés au vestiaire.

Halloween et les soirées déguisées, c’est sacré pour Charlotte, 31 ans, mère au foyer. Cette Marseillaise d’adoption est une grande amatrice de ces moments de fête qu’elle a hâte de partager avec sa fille de 2 ans. Lorsqu’elle était plus jeune, sa grand-mère lui cousait des costumes, comme celui d’Esmeralda, la danseuse bohémienne du roman de Victor Hugo Notre-Dame de Paris, devenue une héroïne Disney (Le Bossu de Notre-Dame).

A part ce personnage d’« Egyptienne », elle ne se rappelle pas avoir utilisé de costume de personnage racisé. Blanche de peau, Charlotte opte plutôt pour des tenues qu’elle juge « appropriées à [sa] personne », sans faire d’appropriation culturelle donc. L’ex-Parisienne a organisé une soirée déguisée sur le thème des sœurs Wachowski, les réalisatrices des films Matrix – qui à l’époque étaient deux hommes ayant depuis changé d’identité de genre. « J’adore leur univers futuriste. Mais, quand une fille m’a dit : “Super, je vais me mettre en travelo”, j’ai préféré changer mon thème en soirée “Shine Bright like a Diamond” [en référence à la chanson Diamonds, de Rihanna], pour éviter de me retrouver avec des déguisements gênants. »

Comme elle, ils sont de plus en plus nombreux à considérer que se déguiser en s’inspirant de la culture d’une minorité revient à la réduire à quelque chose de drôle et, d’une certaine manière, à l’offenser. Mais que signifie ce concept d’appropriation culturelle ? Tout commence dans les années 1990, quand des universitaires américains dénoncent l’usage de coutumes et traditions autochtones récupérées par les Blancs en Amérique du Nord. Autrement dit, l’adoption de signes distinctifs d’une culture minoritaire par une culture « dominante », menant à une forme d’oppression et de spoliation.

Aux Etats-Unis et au Canada, où vivent toujours des autochtones (ils seraient 7 millions cumulés dans les deux pays), le phénomène est bien plus ancré. En effet, ces descendants rappellent souvent que leurs ancêtres ont vécu un génocide perpétré par les colons blancs, dont les plaies sont encore ouvertes. « Vendre des coiffes autochtones et se déguiser en peuple premier n’a pas la même signification que se déguiser en danseuse espagnole de flamenco, considère Rachida Azdouz, psychologue québécoise spécialisée en relations interculturelles. La sensibilité n’est pas la même : la question coloniale n’est pas réglée, les autochtones sont encore et resteront des peuples qui ont été acculturés, envahis et qui n’ont pas eu leur indépendance. » Au Québec, ces revendications donnent lieu à la campagne « Ma culture n’est pas un costume », en 1993.   […]

Certains se moquent des dérives de l’appropriation culturelle, comme la youtubeuse Ziwe, 31 ans (1,1 million d’abonnés), Américaine d’origine nigériane. Dans une vidéo TikTok, cette comédienne noire, adepte des contenus satiriques sur la politique et les questions raciales, accuse la chanteuse blanche Phoebe Bridgers, habituée à se vêtir d’un costume de squelette, de s’approprier la culture des morts. Penaude, la rockeuse s’en excuse alors. De l’humour noir, pour critiquer les angles morts d’un labyrinthe sans issue évidente.

Le Monde

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