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La campagne électorale américaine a cette année un parfum très indien. Deux candidats aux primaires républicaines sont descendants de familles immigrées d’Inde : Nikki Haley, l’ancienne ambassadrice aux Nations unies de Donald Trump et Vivek Ramaswamy, un millionnaire de la tech, novice en politique. Côté démocrate, Kamala Harris, la vice-présidente métisse indo-jamaïcaine, elle, est en lice pour sa réélection. Pas mal pour une minorité qui représente environ 1 % de la population du pays.

On comptait en 2021 4,8 millions d’Indo-Américains, contre 1 million en 2000, le troisième plus gros groupe d’immigrés, derrière les Mexicains et les Chinois. L’immigration indienne s’est développée après la loi de 1965 qui a aboli les quotas par pays et les a remplacés par un système qui privilégiait compétences et liens familiaux. Les immigrés indiens ne ressemblent à aucune autre communauté, selon le livre The Other One Percent. Indians in America (Oxford University Press). Ils sont issus pour la plupart de castes supérieures qui ont fait leurs études dans des universités réputées. Les trois quarts d’entre eux ont au moins une licence universitaire, contre un tiers pour le reste des Américains, selon l’enquête du Pew Research Center. Et les deux tiers sont arrivés aux États-Unis après 2000, au moment du boom de l’industrie high-tech. Outre leurs diplômes, le fait de parler parfaitement l’anglais leur a permis une ascension sociale rapide. Le revenu médian d’un ménage indo-américain atteint 119 000 dollars par an contre une moyenne nationale de 62 000 dollars.

Leur spectaculaire réussite est surtout visible dans l’America Inc. Un nombre impressionnant de grands groupes américains sont dirigés par des patrons d’origine indienne : Starbucks, Microsoft, Alphabet, la maison mère de Google, IBM, FedEx, Albertsons, une chaîne de supermarchés… Et Ajay Banga, ex-PDG de Mastercard est devenu patron de la Banque mondiale. Ils sont aussi plus visibles dans la société. Le plus grand temple hindou hors d’Inde va ouvrir ses portes dans le New Jersey. RRR, un film indien, a remporté un Oscar. Nina Davuluri a été élue Miss America. L’écrivain Kiran Desai, l’actrice Mindy Kaling et les comiques Aziz Ansari et Hasan Minhaj sont désormais célèbres. Et les adolescents indo-américains sont les champions incontestés du concours national d’orthographe, qu’ils ont remporté quasiment chaque année depuis 2008.

Les Américains d’origine indienne sont aussi de plus en plus impliqués en politique. On en dénombre plus de 130 à des postes clés dans l’Administration Biden. Parmi eux, Vivek Murthy, l’administrateur de la santé publique, Neera Tanden, conseillère du président, Arati Prabhakar, conseillère scientifique, Bharat Ramamurti, directeur adjoint du Conseil national économique… On compte aussi cinq élus à la Chambre des représentants – contre un seul il y a dix ans – qui ont baptisé humoristiquement leur groupe « Samosa » , du nom du beignet triangulaire. Pramila Jayapal, représentante de l’État de Washington, dirige l’aile gauche du Parti démocrate et en a fait une force influente, Ro Khanna, élu de la Silicon Valley, est un des référents tech du Congrès…

Leur percée est encore plus forte au niveau des États. Plus de 200 individus originaires d’Asie du Sud ont été élus récemment dans les commissions scolaires, les comtés, les assemblées locales… « Cela s’explique par l’augmentation rapide de cette population et le fait qu’on en est maintenant à la deuxième ou la troisième génération » , remarque Sarah Shah, de l’Indian American Impact, une organisation destinée à mobiliser politiquement cette minorité. « Venant d’un régime démocratique, les immigrés d’Inde sont aussi plus habitués au tohu-bohu des élections, comparés à ceux en provenance de nombreux pays d’Asie. Et comme les relations entre Delhi et Washington se sont renforcées, ils risquent moins, lorsqu’ils briguent un mandat électif, de soulever de méfiance que les ressortissants de pays plus hostiles » , estime Devesh Kapur, spécialiste d’Asie du Sud à l’université Johns Hopkins.

À une majorité écrasante, la plupart des élus sont démocrates. 74 % des Indo-Américains ont voté pour Joe Biden en 2020, un taux bien supérieur à celui des autres groupes asiatiques. « Ils devraient davantage pourtant pencher côté républicain : ils sont socialement conservateurs, beaucoup sont des entrepreneurs en faveur de moins de taxes et de réglementation… Mais la domination des chrétiens évangéliques au sein du Parti républicain et son attitude anti-immigration et à connotation raciste ces dernières années les en éloignent » , poursuit le professeur Kapur. […]

Pour Sarah Shah, le poids des Indo-Américains dans la vie politique devrait grandir dans les années à venir compte tenu de leurs ressources financières et de leurs réseaux. Au Texas, où ils sont 500 000, deux candidats d’Asie du Sud ont été élus pour la première fois au Congrès local. « La population d’origine indienne augmente dans plusieurs États clés comme la Pennsylvanie et la Georgie et pourra donc faire la différence dans des élections qui se jouent à une très faible marge » , dit-elle.

Le Figaro

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