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Une étude publiée dans Nature analyse génétiquement deux familles de l’Yonne d’il y a … 6 500 ans

En à peine une décennie, l’analyse de l’ADN ancien, qui a valu au Suédois Svante Pääbo l’attribution du Nobel de médecine, en 2022, a révolutionné l’étude des populations disparues, au point de dévoiler de plus en plus finement leurs structures sociales. En témoigne une nouvelle étude d’une ampleur inédite, publiée dans Nature, le 27 juillet, qui dessine l’arbre généalogique de deux familles du néolithique, qui vivaient il y a environ 6 500 ans dans l’Yonne.

« Trouver autant d’individus apparentés dans un seul site, c’est complètement fou ! », se réjouit Maïté Rivollat. La jeune chercheuse, aujourd’hui postdoctorante à l’université de Gand (Belgique), est la première autrice de l’étude, qui a été conduite depuis 2017, en coopération entre l’université de Bordeaux et l’Institut Max-Planck d’anthropologie évolutive de Leipzig (Allemagne), dirigé par Svante Pääbo.

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Les restes humains sur lesquels les analyses génétiques ont été effectuées sont entreposés à l’ostéothèque de Pessac (Gironde). Ils proviennent du site des Noisats, à Gurgy, dans l’Yonne, une nécropole du néolithique, qui avait fait l’objet de fouilles programmées, dirigées par Stéphane Rottier (université de Bordeaux, CNRS) entre 2004 et 2007. Les restes de 128 individus avaient alors été dégagés, avec des datations au carbone 14, qui laissaient penser qu’ils avaient été inhumés là sur une période d’un millénaire. Mais l’ADN ancien change totalement cette perspective, contractant le temps et les générations. Les analyses génétiques, désormais quasi industrielles, conduites à Leipzig, ont révélé le génome complet de 94 individus et fait apparaître la présence de deux familles. La famille A comptait 64 apparentés (20 de sexe féminin et 44 de sexe masculin) sur sept générations. L’autre, désignée B, associait 12 personnes (7 de sexe féminin et 5 de sexe masculin) sur cinq générations. Parmi les 18 individus restants, 11 n’avaient aucun lien de parenté avec ces deux lignées, et 7 y étaient connectés avec un ou deux degrés d’éloignement. L’article ne parle volontairement pas de familles, mais de « pedigree », un terme « plus neutre, moins chargé en dimensions sociales, que l’on ne connaît pas », précise Maïté Rivollat. En revanche, ce qui ressort sans ambiguïté, c’est que la constitution de ces groupes était principalement régie par la patrilocalité – une organisation où la femme quittait sa communauté d’origine pour venir résider dans le groupe de son époux. « Tous les individus dans chaque arbre sont apparentés via leur père », décrit la chercheuse, tandis qu’il manque beaucoup trop de femmes, signe qu’elles sont parties dans d’autres groupes.

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L’évitement de la consanguinité à travers l’exogamie est quasi universel dans les populations humaines. La patrilocalité caractérise 70 % des groupes humains. Elle était déjà présente chez les néandertaliens, comme l’a montré, fin 2022, une étude dirigée par Svante Pääbo, portant sur 11 individus datés de 55 000 ans et trouvés dans une grotte sibérienne. A Gurgy, la proximité familiale se retrouve dans la mort : les apparentés étaient inhumés dans une même zone de la nécropole, ce qui implique que les tombes, que rien ne trahissait avant la fouille, « étaient à l’origine visibles et marquées à la surface », écrivent les chercheurs. Ce qui suggère aussi que le groupe « savait qui était enterré où » et qu’il « avait une compréhension de la généalogie ou de la descendance ». Contrairement à des observations récemment publiées sur une tombe anglaise du néolithique, on n’a identifié aux Noisats aucun demi-frère ou sœur, ce qui indique que les unions polygames étaient rares « et peut-être socialement proscrites ». Par ailleurs, le remariage avec le frère ou la sœur d’un défunt était peu commun.

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Le Monde

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