Fdesouche

ENTRETIEN – Le journaliste du Figaro, qui a été gravement blessé pour avoir défendu une femme dans le métro, s’interroge sur le traitement des victimes d’agression en France.

 Quatorze fractures au visage, plusieurs opérations de reconstruction et une longue procédure judiciaire plus tard, la colère est toujours aussi vive. Il publie Concorde rouge. Dans la peau d’une victime d’agression (Le Cherche midi).

LE FIGARO. – Que s’est-il passé cette nuit du 13 novembre 2017 dans les couloirs du métro?

Judikael HIREL. – J’étais dans le métro pour rentrer du bureau après une journée de travail, comme le font beaucoup. En arrivant à la station Concorde vers 19 h 30, je suis sorti de la rame et j’ai vu un homme suivre une jeune femme qui se trouvait devant lui. En montant l’escalier, il lui a mis une main aux fesses. Ils ont commencé à se disputer. Là, il y avait deux solutions: ou je rentrais chez moi et ne m’en occupais pas, ou bien je m’en mêlais. Je m’en suis donc mêlé calmement. L’homme est parti en nous insultant. Il s’est embusqué dans un couloir latéral pour me porter un grand coup de poing à la tempe. Il m’a directement mis KO. Il a continué à m’exploser la tête à coups de pied au sol. Il voulait vraiment me tuer, juste parce qu’il était en colère et que je l’avais vexé. La jeune femme s’est couchée sur moi pour me protéger en appelant à l’aide, mais personne n’est venu. Ses cris ont fait fuir l’agresseur. Plusieurs personnes ont alors essayé de le poursuivre sans parvenir à le rattraper. Il a disparu et n’a jamais été retrouvé.

Comment vous sentez-vous physiquement et psychologiquement aujourd’hui, plus de cinq ans après cette agression?

Une fois que l’on est victime d’une agression, et surtout d’une agression grave, on l’est à vie. Ce qui me le fait encore moins oublier, c’est la douleur physique. C’est une piqûre de rappel: si j’ai mal, c’est que je suis vivant. J’ai eu quatorze fractures au visage: ma mâchoire était brisée en plusieurs endroits, mes dents cassées, mon nez explosé, et tous les os en dessous des joues étaient émiettés. Les chirurgiens m’ont expliqué que j’avais eu de la chance: les os de mon visage étant peu épais, ils se sont brisés en plusieurs morceaux au lieu de reculer. Ma tête aurait été explosée et je n’aurais pas été là pour en parler. Cela s’est joué à un ou deux coups de pied. C’est la jeune femme qui les a pris. Elle m’a sauvé la vie. Pour réparer tout ça, le chirurgien a mis une cinquantaine de microplaques de la taille d’un ongle. Ainsi a-t-il remis tous les os ensemble et a tout fait tenir en place. Tous les matins, je me réveille en me disant que chaque jour est une chance car je suis vivant et ne suis pas défiguré, alors que j’aurais pu y rester.

(…)

Vous êtes très critique vis-à-vis de l’actuel garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, qui a un jour déclaré que la formule d’«ensauvagement de la société» entretenait le «sentiment d’insécurité»

Je n’ai rien de personnel contre Éric Dupond-Moretti. On nous dit que l’État va consacrer des budgets phénoménaux à la justice du pays. Dans le même temps, j’ai constaté qu’en tant que victime j’ai mis trois ans à obtenir une expertise judiciaire. Les victimes, les agressions au quotidien et cette insécurité réelle, c’est quand même mieux d’éviter d’en parler. Pourtant, quand on regarde les statistiques du ministère de l’Intérieur, on se rend compte que plus de 100.000 personnes sont agressées par an, ce qui en fait plus de 300 par jour. On n’en parle pas: ni à l’élection présidentielle ni dans les médias. Les victimes, elles, doivent se débrouiller.

(…) Le Figaro

Fdesouche sur les réseaux sociaux