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Le Point : Les concertations sur le projet de loi Immigration vont démarrer. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a prévenu qu’il ne toucherait pas à l’accord de 1968, qui régit les conditions d’entrée et de séjour des Algériens en France. En quoi est-ce une erreur ?

Xavier Driencourt : Cet accord a été signé peu après ceux d’Évian de 1962, alors que la population algérienne comptait une dizaine de millions d’habitants et que la France, en pleines Trente Glorieuses, recherchait une main-d’œuvre francophone. Il visait à faciliter l’installation des Algériens en France, en leur accordant un certain nombre d’avantages. Aujourd’hui, le contexte a changé, mais ces avantages subsistent ! Les Algériens ont droit à un certificat de résidence administrative pour tout visa de plus de trois mois, ils peuvent obtenir un titre de séjour au bout d’un an, le regroupement familial est facilité, les étudiants peuvent transformer leur visa d’étudiant en titre de séjour permanent. Ils échappent également aux règles favorisant l’intégration. Toutes ces dispositions sont exorbitantes au regard du droit commun, et on ne peut pas les changer car les traités internationaux, dans l’ordre juridique français, l’emportent sur les lois.

En clair, nos lois sur l’immigration ne concernent pas les Algériens ?

Elles ne les ont jamais concernés. En 1986, les visas ont été imposés à tous les pays, y compris aux Algériens, par le gouvernement de Jacques Chirac, mais nous n’avons jamais réussi à maîtriser cette immigration. Aujourd’hui, 12,6 % des immigrés vivant en France sont algériens, et plusieurs millions de personnes sur notre territoire sont d’origine algérienne. C’est pourquoi un projet de loi qui exclurait une dénonciation de l’accord de 1968, extrêmement protecteur, réduirait à presque rien les chances de maîtriser l’immigration.

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Le Point

Introduction

En France, les Algériens représentent la plus importante communauté étrangère. En 2021 selon l’Insee, 887.100 ressortissants algériens vivaient sur le territoire français, soit 12,7% des immigrés vivant en France1. La circulation, le séjour et le travail des Algériens en France sont régis par l’accord de 1968, négocié après l’indépendance de l’Algérie. À cette époque, il s’agissait de répondre au développement rapide de notre économie. La France cherchait à encourager la venue d’une main-d’œuvre étrangère. Grâce à cet accord, les Algériens souhaitant s’installer en France ont bénéficié de conditions d’entrées beaucoup plus favorables que les candidats issus des autres pays. Si l’accord de 1968 a été révisé en 1985, 1994 et 2001, les principes qui le fondent et les dérogations au droit commun qui le caractérisent ont toujours été maintenus.

En consultant le texte du récent projet de loi visant à «contrôler l’immigration et améliorer l’intégration», déposé en février 2023 par les ministres Gérald Darmanin et Olivier Dussopt2, un lecteur attentif ou un juriste averti notera qu’il y est précisé que ses dispositions ne concernent pas les Algériens, et que la spécificité de leur situation sur ce point ne ferait pas l’objet des discussions à venir lors de l’examen du nouveau projet de loi. Pourtant, il semble d’autant plus nécessaire de remettre à plat ce dispositif que Gérald Darmanin souhaite, à raison, amplifier la politique de reconduite aux frontières des étrangers en situation irrégulière, lesquels sont principalement issus des pays du Maghreb. L’enjeu est de taille. En effet, un État court le risque d’une crise politique majeure s’il voit venir sur son territoire des migrants en nombre sans pouvoir exercer son droit souverain de reconduire aux frontières ceux qui ne doivent pas rester sur le territoire national. Un État ne saurait conserver sa souveraineté sans défendre son territoire et sa population3.

Le fait d’excepter l’accord franco-algérien de 1968 de la discussion d’un texte ambitionnant de « contrôler l’immigration » est paradoxal, sinon contradictoire, dans la mesure où une très grande partie des étrangers arrivant aujourd’hui en France, par la voie du regroupement familial ou simplement avec un visa de tourisme, viennent d’Algérie. Exclure d’un projet de loi en matière d’immigration le cas des ressortissants algériens, comme ce fut fait lors des lois dites Sarkozy ou Collomb, réduirait à presque rien les chances d’atteindre les objectifs fixés.

Cependant, pour comprendre la difficulté du problème à résoudre, il importe de rappeler ici que les traités internationaux ont une valeur supérieure aux lois. Le corpus juridique français établit en effet, aux termes de l’article 56 de la Constitution, que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés, ont dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie » : pour cette raison, un accord bilatéral, comme celui conclu avec l’Algérie le 27 décembre 1968 a pour conséquence que les Algériens ne sont pas soumis aux lois sur l’immigration. En outre, la jurisprudence constante du juge administratif se plaît à préciser que l’accord « régit d’une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et à y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité, et les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s’établir en France ; qu’il suit de là que les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, lesquels relèvent à cet égard des règles fixées par l’accord précité4 ».

Quand le législateur vote des lois sur l’immigration, il doit savoir qu’une large partie de la population issue de l’immigration n’est pas concernée par le résultat de ses délibérations. Cette anomalie5 crée une brèche importante dans notre ordre juridique, d’autant plus importante que, comme l’a rapporté l’Insee dans sa dernière enquête, les Algériens constituent la première nationalité étrangère en France. La dénonciation de cet accord ne serait-elle pas la solution ou au moins n’apporterait-elle pas une réponse à la mauvaise volonté dont font preuve les consulats algériens dans la mise en œuvre des laissez-passer consulaires, nécessaire à l’expulsion des ressortissants sous obligation de quitter le territoire (OQTF) ? Tel est l’objet de cette réflexion qui se propose de rappeler ce qu’est l’accord franco-algérien de 1968, son importance et ses conséquences dans la politique migratoire française et d’examiner les possibilités juridiques qui s’offrent au gouvernement.

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La suite du rapport sur le site de la FONDAPOL

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