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ENQUÊTE – Les Sages de la rue de Montpensier ont déclaré inconstitutionnel un article charnière du Code des douanes leur permettant de fouiller personnes, véhicules et marchandises. Les douaniers s’alarment.

«Sans l’article 60, c’est toujours plus de stupéfiants dans les collèges et lycées, d’armes et de tabac illégal en circulation sur le territoire, et moins d’argent dans les caisses de l’État». L’heure est à l’affolement pour le douanier Romain Simeon, du syndicat Unsa. Voilà quelques mois qu’un des textes fondateurs du travail des «gabelous» – il autorise à fouiller marchandises, moyens de transport et personnes – a été abrogé après décision du Conseil constitutionnel. «C’est une décision qui ne rend service qu’aux truands», déplore David-Olivier Caron, son collègue de la CFDT. La discrète administration étatique, à l’origine de près de 90% des saisies de marchandise de contrebande sur le territoire, craint de voir ses pouvoirs réduits à néant. Censure oblige, des affaires judiciaires tombent petit à petit. Comme ce routier polonais, relaxé malgré le transport de 53 kilos de cannabis en Charente-Maritime. Même chose pour ce conducteur d’un fourgon qui contenait du matériel pour les passeurs, à Lille. Ou encore ces deux Arméniens, contrôlés avec 2,3 kilos de cocaïne à Reims. «Si on continue comme ça, c’est la fin de la douane française, et l’autoroute pour les trafiquants», renchérit une syndicaliste.

À l’origine de cette «censure», comme souvent, on trouve une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), cette procédure de contrôle de constitutionnalité sur les lois déjà promulguées. Et une affaire on ne peut plus commune : le 10 février 2022, un certain Mounir S. est contrôlé par une brigade douanière de surveillance intérieure (BSI) à Vierzon (Cher) au volant de son véhicule, alors qu’il se rend à Toulouse. Les agents découvrent que l’homme, d’une quarantaine d’années, transporte avec lui pas moins de 47.000 euros, répartis dans des paquets thermosoudés dissimulés dans la portière avant droite. Poursuivi pour «blanchiment, concours à une opération de placement, de dissimulation ou conversion du produit d’un délit», son avocat, Eugène Bangoura, plaide la relaxe. Pour lui, pas de doute : Mounir S., simple automobiliste, a été entravé dans son droit d’aller et venir, lui qui transportait le «fruit de ses économies».

(…) Dans les brigades, la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. «Ça a été la stupeur, l’effarement, relate un syndicaliste. Les collègues calculaient tous leurs gestes, se questionnaient sur des procédures qui sont les leurs depuis des années». Pour éviter des «conséquences manifestement excessives», l’abrogation des textes a été reportée au 1er septembre 2023. Ce qui n’a pas empêché certains tribunaux, visiblement pas au courant de la totalité de la décision, de faire valoir l’inconstitutionnalité. 

(…) «Que fera-t-on des “go fast”, que nous traquons et qui franchissent plusieurs centaines de kilomètres à l’intérieur du territoire ?, questionne Fabien Milin. C’est la porte ouverte à la grande délinquance financière. Le manque à gagner sera énorme, comme lorsque nous avons abandonné les missions fiscales». Manuela Dona, côté CGT, rappelle que «les douaniers de Marseille n’auraient pas arrêté les auteurs des attentats de Bruxelles » si une telle mesure avait été mise en place. Et notre interlocutrice de conclure : «Nous sommes au cœur du réacteur de la protection des espèces, de la lutte contre la fraude et le trafic d’arme. Si on se trompe dans la rédaction de l’article 60, nous n’aurons plus aucun moyen de protéger la population».

Le Figaro

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