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Pour la première fois en plus de vingt ans, l’Assemblée de Strasbourg a adopté un texte défavorable au royaume chérifien, critiquant les atteintes à la liberté d’expression dans le pays. Ce vote survient un mois à peine après qu’a éclaté le scandale de corruption des eurodéputés, dans lequel Rabat est mis en cause.

C’est une très courte résolution sur la situation des journalistes marocains, adoptée jeudi 19 janvier au Parlement européen par 356 voix pour, 32 contre et 42 abstentions… Et c’est une petite révolution au sein de l’institution réunie en séance plénière à Strasbourg. Il aura fallu « plus de vingt ans et un scandale de corruption comme le “Marocgate” pour que le Parlement européen puisse enfin parler du Maroc et des droits de l’homme », soupirait, mercredi, Miguel Urban Crespo, du groupe de la gauche unitaire, qui est l’initiateur de cette résolution.

Ce texte de moins de 500 mots exhorte notamment « les autorités marocaines à respecter la liberté d’expression et la liberté des médias, à accorder aux journalistes emprisonnés, notamment Omar Radi, Soulaimane Raissouni et Taoufik Bouachrine, un procès équitable avec toutes les garanties d’une procédure régulière ». Il « condamne fermement l’utilisation abusive d’allégations d’agressions sexuelles pour dissuader les journalistes d’exercer leurs fonctions » et « estime que ces abus mettent en danger les droits des femmes ».

Mais il va plus loin. Le texte soutenu par les groupes de gauche, écologiste, mais aussi par les libéraux et les souverainistes, indique que l’Assemblée de Strasbourg « est préoccupée par les allégations selon lesquelles les autorités marocaines auraient tenté de corrompre des élus du Parlement européen ».

Cela marque un véritable changement de pied de l’institution européenne vis-à-vis du Maroc. Ces vingt dernières années, les élus européens ont rarement voté des textes concernant l’un des plus importants partenaires africains de l’Union européenne. Selon la base de données du Parlement européen, une demi-douzaine de textes évoquaient le Maroc, notamment les accords agricoles et de pêche entre l’Union et ce pays. Mais aucun n’abordait la question des droits humains.

Ce sujet intervient après l’éclatement de l’affaire de corruption au Parlement européen qui a mené à l’arrestation, le 9 décembre 2022, de l’ancien eurodéputé italien Pier Antonio Panzeri. Cette enquête avait été décidée par les services de renseignement belges après des soupçons de corruption visant initialement le Maroc. L’enquête a été ensuite élargie au Qatar, soupçonné d’avoir lui aussi financé cet ancien élu européen.

Diplomates et élus marocains très présents

(…) Cette présence a beaucoup déconcerté les eurodéputés. « Ils déambulaient de manière effrontée au sein du Parlement et en plein scandale de corruption », s’est plaint, mercredi, Thijs Reuten, l’eurodéputé néerlandais social-démocrate (S&D, socialistes et démocrates), à la tribune lors du débat sur la résolution. Les élus marocains ne se sont pas arrêtés là : ils ont fait parvenir aux eurodéputés un mail, toujours signé par M. Haddad, analysant, alinéa par alinéa, le projet de résolution qu’ils avaient récupéré auprès d’eurodéputés amis.

(…) Le Monde

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