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Avec un PIB et un niveau de vie en berne, le pays ne tient plus la comparaison avec ses rivaux, comme l’Allemagne ou le Canada. Et voit fuir en masse ses jeunes diplômés. Au fait de politique migratoire, on parle surtout de ceux qui débarquent. Une plus grande attention devrait être accordée à ceux qui sortent. Environ un million de personnes entrent désormais chaque année sur le territoire britannique, et près de 600.000 le quittent. Un rythme qui a tendance à s’accélérer.

Historiquement, le Royaume-Uni est un pays d’émigration plutôt que d’immigration. Au siècle, seules l’Irlande, l’Italie et la Norvège exportaient leurs citoyens à un rythme plus élevé. La tendance ne s’est inversée qu’en 1983.

En 1974, le fataliste Jim Callaghan, alors ministre des Affaires étrangères et futur Premier ministre, en plaisantait presque: “Parfois, quand je me couche le soir, je pense que si j’étais un jeune homme, j’émigrerais.” Après tout, le Royaume-Uni souffrait d’une croissance stagnante, d’une inflation et d’impôts élevés, d’une crise énergétique et d’un Etat ayant un besoin dramatique de réforme.

Les circonstances qui ont poussé Callaghan à rêver d’ailleurs sont similaires à celles d’aujourd’hui. Ce sont les jeunes travailleurs, potentiellement les plus mobiles, qui connaissent le plus de difficultés. La rémunération moyenne des stagiaires diplômés a ainsi chuté de 22% en termes réels (corrigé des effets inflationnistes) depuis 2010, selon High Fliers, une agence de recrutement. Ceux qui doivent rembourser un prêt étudiant sont dans une situation critique en raison de la hausse des taux.

Peu à peu, la réalité s’impose, le pays n’est plus aux standards des grandes nations. Le PIB par habitant est désormais inférieur aux pays avec qui le Royaume rivalisait autrefois, que ce soit l’Allemagne, l’Australie ou le Canada. On arrive à une situation semblable à celle de l’Italie, où le départ des jeunes est la norme plutôt qu’une exception. Dans quelques années, le point de comparaison sera peut-être la Pologne.

Pour l’instant, les derniers arrivés sont les premiers sortis. L’afflux net de citoyens européens s’est transformé en exode. Fanny, une Française de 25 ans diplômée de la London School of Economics en 2020, en fait partie. Sur la vingtaine d’étudiants français de son cursus, elle était l’une des deux à rester. Maintenant, elle aussi s’en va, après avoir trouvé un emploi à Marseille. Son salaire net sera le même, mais au lieu de payer une chambre dans une colocation miteuse dans l’est de Londres, elle aura un vrai studio. D’ailleurs, les travailleurs londoniens, condamnés à partager un logement jusqu’à la trentaine, y compris les plus diplômés, sont tentés par l’exil.

C’est par exemple le cas des médecins, qui sont accueillis à bras ouverts ailleurs. Etant donné que leur rémunération moyenne a baissé de 10% en termes réels depuis 2010 et que les conditions de travail se dégradent, il n’est pas surprenant qu’ils plient bagage. Un médecin sur trois formé au Royaume-Uni quitte le pays, selon une enquête du General Medical Council.

Même si les chiffres prouvent que le phénomène est bien enclenché, celui-ci s’invitant de plus en plus dans le débat politique, la réalité est un peu plus compliquée. S’installer à l’étranger n’est pas évident. Il faut se procurer des visas, naviguer dans la bureaucratie, obtenir des jobs stables, trouver un logement, puis se faire de nouveaux amis. Certains pays traditionnellement accueillants pour les Britanniques, comme l’Australie et le Canada, ont marqué une pause lors des confinements sanitaires. Mais le flux a repris, et Ottawa se vante d’avoir pour objectif le million d’immigrants.

Certes, la situation au Royaume-Uni pourrait s’améliorer. Mais pour l’instant, l’émigration reste une option. En 1978, un an avant d’arriver au pouvoir, Margaret Thatcher était plutôt désespérée. Elle avait confié que si elle ne gagnait pas les élections face à Callaghan, elle resterait au Royaume-Uni. Mais qu’elle avait pris ses dispositions pour envoyer ses enfants faire carrière au Canada.

msn

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