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En Suède, la criminalité est devenue la principale préoccupation des électeurs qui iront aux urnes dimanche.

(…) Pourtant, on ne rigole pas tous les jours dans cette banlieue verte et proprette située à 10 kilomètres de la capitale et qui accueille des migrants venus de Somalie, d’Iran, d’Irak, de Turquie, d’Éthiopie, de Grèce, de Pologne ou de Chine. Car derrière ces HLM à taille humaine, avec leurs parcs verdoyants, leur fontaine et leurs jardins pour personnes âgées se cache une tout autre réalité.

« Ici, on peut se tirer à la kalachnikov, dit Khaled, un réfugié irakien arrivé il y a 22 ans et devenu chauffeur de taxi. Pour moi, ça va, mais ma famille ne veut plus vivre ici à cause de la criminalité et du trafic de drogue. Les membres des gangs n’arrêtent pas de se tirer dessus. La Suède devrait faire plus attention au choix de ses immigrants. »

Une criminalité qui explose

Rien d’étonnant à ce que la criminalité soit devenue la principale préoccupation des électeurs qui iront aux urnes dimanche. De quoi écorner l’image de carte postale que projette la Suède à l’étranger.

Depuis janvier dernier, 48 personnes sont tombées sous les balles d’un tueur, un nombre qui a plus que doublé en 10 ans. Selon une enquête du Conseil national de la prévention du crime, la Suède arrive au second rang parmi 22 pays européens pour le nombre de morts par balles, tout juste derrière la Croatie. Une progression unique en Europe.

Comme en France, les incendies de voitures sont aussi devenus quotidiens. En 2020, le gang Ali Khan, dirigé par un imam d’origine libanaise, avait terrorisé plusieurs quartiers de la seconde ville de Suède, Göteborg. L’an dernier, la mort du jeune rappeur Einár, abattu devant chez lui pour une affaire liée aux gangs de rue, a ému tout le pays.

« Dans un pays traditionnellement aussi paisible que la Suède, c’est un véritable choc », dit le politologue québécois Henry Milner, qui enseigne depuis longtemps à l’Université d’Umeå et vient de publier le livre Observateur engagé, où il évoque notamment son parcours suédois. « Cette élection est très différente des autres. Parler de la loi et de l’ordre dans une élection suédoise, c’était inimaginable il y a quelques années à peine. Il a pourtant fallu se rendre à l’évidence. Les Suédois sont en train de perdre leur naïveté : bienvenue en Europe ! »

Pour les trois grands partis — les sociaux-démocrates (centre gauche), les modérés (droite) et les démocrates suédois (populistes) —, il ne fait guère de doute que cette criminalité qui déborde largement les quartiers dits sensibles est liée de près ou de loin à une immigration mal contrôlée. « Trop d’immigration et trop peu d’intégration ont créé des sociétés parallèles où les gangs criminels ont pris racine et progressé », a déclaré la première ministre, Magdalena Andersson, qui veut rompre avec l’image d’une Suède qui s’est longtemps considérée comme une « superpuissance morale ».

Pas de « regroupements ethniques »

Malgré la popularité personnelle de la première ministre Andersson, la réélection des sociaux-démocrates, qui dominent la vie politique suédoise depuis un siècle, est loin d’être assurée dimanche.

Face à la progression des populistes d’Anders Akesson, cette ancienne championne nationale de natation n’a eu de cesse de se démarquer de l’ancien laxisme de son parti en matière d’immigration. Elle propose notamment une réduction draconienne du nombre d’immigrants, d’ailleurs déjà largement en cours. Et pour faciliter l’intégration, elle veut limiter à moins de 50 % leur nombre dans les municipalités. Pour cela, elle compte attirer dans les banlieues des familles plus aisées et forcer les nouveaux arrivants à s’installer dans les localités qui leur seront assignées. Elle compte enfin pousser les municipalité s à enrôler dès trois ans les enfants d’immigrants dans les maternelles. « Nous ne voulons pas de Chinatown en Suède, nous ne voulons pas de Somalitown ou de Petite Italie », a-t-elle tranché dans les pages du grand quotidien de Stockholm Dagens Nyheter.

 Cette élection est très différente des autres. Parler de la loi et de l’ordre dans une élection suédoise, c’était inimaginable il y a quelques années à peine. Il a pourtant fallu se rendre à l’évidence.

L’affirmation en a fait sursauter plus d’un, dit le politologue Nicholas Aylott. « Il y a quelques années à peine, les sociaux-démocrates suédois dénonçaient leurs amis danois qui proposaient ce genre de mesures. Aujourd’hui, ils leur emboîtent le pas. »

(…)

« On a été naïfs »

Porte-parole du Parti social-démocrate sur les questions internationales, Johan Hassel préfère parler de « zones vulnérables » plutôt que de ghettos. Mais il soutient que l’ouverture tous azimuts de son parti à l’immigration était en train de le couper de sa base traditionnelle issue des milieux ouvriers et populaires.

« Je viens d’un milieu semi-rural et j’ai vu les populistes progresser dans des régions du Nord qui nous étaient traditionnellement acquises. On n’a pas assez écouté ces populations qui ont souffert d’une mondialisation non maîtrisée. On a été naïfs sur la question de la criminalité. On a échoué, il faut le reconnaître. On veut moins d’immigrants, car on veut mieux les intégrer. Avec plus de logements et de ressources scolaires. »

Selon lui, le fossé est aujourd’hui béant entre la main-d’oeuvre peu qualifiée qui habite ces quartiers et la pénurie de personnel très qualifié que connaît la Suède. Il faudra du temps pour le combler. Lorsqu’on lui donne l’exemple des socialistes français, qui ont souvent levé le nez sur ces problèmes, il réplique aussitôt : « Ne me parlez pas d’un parti qui est pratiquement disparu. Nous, on veut rester en vie ! »

Le Devoir

(Merci à BB)

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