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Les dommages collatéraux de la guerre peuvent être presque aussi douloureux que ceux du champ de bataille. Et dans le cas de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’impact s’étend déjà à presque tous les coins du globe, selon le plan d’action élaboré par l’UE pour faire face aux conséquences sociales, politiques et économiques du conflit dans les pays tiers. Le rapport, auquel EL PAÍS a eu accès, met notamment en garde contre le risque croissant d’une “famine catastrophique” dans les pays d’Afrique du Nord, qui déclenchera “de nouvelles vagues de protestation sociale, de déplacements internes et de migration vers les régions voisines et, éventuellement, vers l’UE”. Le diagnostic laisse l’Espagne et l’Italie en première ligne d’un exode potentiellement massif à travers la Méditerranée.

Le plan d’action, qui n’a pas été rendu public, a été élaboré conjointement par la Commission européenne et le Service européen d’action extérieure, dirigé par le vice-président de la Commission Josep Borrell. Le rapport a été envoyé cette semaine aux 27 gouvernements de l’UE et définit la marche à suivre pour faire face aux graves conséquences d’une guerre qui frappe déjà de nombreux pays, des plus proches du conflit, comme la Moldavie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan, à d’autres aussi éloignés que le Bangladesh, la Mongolie, le Mexique et l’Argentine.

Le rapport, 27 pages de lecture alarmante, va des Balkans et de la Turquie à l’Amérique latine, en passant par l’Asie centrale, le Moyen-Orient, le Maghreb et le Sahel. Dans tous ces domaines, les conséquences d'”un nouveau scénario géopolitique, marqué par une forte instabilité et des risques croissants de fragmentation de la communauté internationale” se font sentir.

Le déclencheur de cette grave crise, selon Bruxelles, est la guerre de Poutine et, en particulier, le blocus russe des exportations agricoles ukrainiennes et l’escalade des prix de l’énergie. Le document ne précise pas la destination de la crise migratoire potentielle. Mais pour les zones identifiées comme les plus durement touchées par les crises alimentaire et énergétique (le Maghreb et le Sahel, entre autres), il semble inévitable que l’Espagne et l’Italie soient en première ligne d’un éventuel exode massif.

Selon le document, la Commission entend concentrer son aide sur les pays les plus durement touchés par la crise, sur ceux qui aspirent à rejoindre l’Union, sur les acteurs les plus influents de chaque région ou sur ceux qui sont essentiels pour l’importation d’énergie et de matières premières.

La relation privilégiée avec les fournisseurs alternatifs pour réduire la dépendance énergétique de la Russie pointe également vers le sud, selon le rapport. En particulier, à l’égard de l’Algérie et de la volonté de l’UE d’accroître ses exportations de gaz via l’Espagne, notamment par le biais du gazoduc fermé qui traverse le Maroc.

Dans le cas des pays les plus proches de l’Espagne, le rapport note que l’impact “est déjà très important” dans le voisinage sud (Maroc, Tunisie ou Libye et Égypte). La tempête parfaite dans cette région et au Moyen-Orient est aggravée par l’impact encore non résolu de la pandémie, la sécheresse dans certaines parties du territoire et la marge budgétaire limitée des administrations pour aider les populations les plus vulnérables.

Le résultat pour le Maghreb et la région environnante est effrayant : “Le manque de céréales et d’autres produits agricoles essentiels, associé à la hausse des prix des produits de base et des denrées alimentaires et à la réduction des subventions, pourrait entraîner de graves crises économiques et sociales”, indique le rapport de l’UE.

L’UE a déjà commencé à fournir un soutien urgent à ces pays, avec plus de 225 millions d’euros réservés à l’Égypte, au Liban, à la Libye, à la Syrie, à la Tunisie, au Maroc et à la Palestine par le biais de la “facilité alimentaire et de résilience”, indique la Commission. À long terme, l’UE prévoit de les aider à développer leur propre production, dans la mesure du possible.

Toutefois, le rapport note que le risque de crise économique et sociale est “particulièrement élevé en Égypte, en Jordanie, au Yémen, au Liban, en Libye, au Maroc et en Tunisie”, sept pays dont la population combinée dépasse 200 millions de personnes. La menace de famine s’accroît, selon l’UE, “dans les couches les plus pauvres de la population”. Et la possibilité que des personnes fuient à la recherche de meilleures conditions alimentaires, tant dans leur propre pays que dans les pays voisins “et éventuellement dans l’UE”. Les 27 partenaires de l’UE se sont mis d’accord ce mois-ci sur un mécanisme de répartition des réfugiés qui pourrait être utilisé pour la première fois lors de la prochaine crise migratoire, si elle devait se produire.

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El Pais

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