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Dans son livre « Les nouveaux mystères de Marseille », le journaliste Jean-Michel Verne explore les souterrains de la cité phocéenne entre narcotrafic, corruption et foot business.

L’élément déclencheur de ce livre a été l’élection par le conseil municipal du socialiste Benoît Payan à la tête de la mairie, en 2020, en lieu et place de l’écologiste Michèle Rubirola, qui avait été légitimement élue cinq mois auparavant. Cet étrange tour de passe-passe a été un marqueur du point ultime auquel peut conduire le système politique marseillais, sur fond de clientélisme.(…)

De Carbone et Spirito aux caïds du narcotrafic en passant par le clan Guérini, les figures du banditisme corso-marseillais ont beaucoup changé. Le berceau du crime s’est aussi déplacé du Vieux-Port vers les quartiers nord. Comment expliquez-vous cette mutation ?
Cela tient à une évolution du banditisme qui a progressivement mis un terme à l’époque des grands parrains. L’assassinat de Francis Le Belge en 2000 a été un point de bascule, qui a rebattu les cartes et a laissé place à de nouvelles générations de voyous. Le duo Barresi-Campanella reste puissant sur le centre-ville mais le milieu « traditionnel » s’est un peu délité.
Le point névralgique du banditisme s’est déplacé vers les quartiers nord sur fond de trafic de came. Les voyous y trouvent facilement de la main-d’œuvre avec des armées de caïds qui ont pris le contrôle de territoires. L’argent de la drogue permet à ces équipes de s’émanciper et d’arroser les cités pour former des groupes d’affidés qui vont recueillir le fruit de leur soumission. Aujourd’hui, on est dans un phénomène de gangs. Avec, en arrière-plan, l’influence de mafias internationales mais aussi de certains voyous corses.

Le livre met en exergue les liens ténus et complexes entre le monde politique et le banditisme. Quels sont l’origine et le ciment de ces relations troubles ?
On date généralement le début de ces relations aux années 30 avec Carbone et Spirito, qui entretenaient des liens étroits avec le député Simon Sabiani. Elles sont, en fait, bien antérieures. Il faut remonter à la fin du XIXe siècle pour retrouver le pionnier du banditisme corso-marseillais, François Albertini, dit « François le fou. » C’est lui qui va constituer le premier groupe criminel dans le quartier de Saint-Jean et servir plus tard d’agent électoral et de protecteur au maire, Jean-Baptiste Amable-Chanot.
En réalité, les politiques ont toujours eu plus ou moins besoin du milieu dans un échange pervers de services. Il y a d’abord les campagnes électorales, pour lesquelles les voyous sont souvent sollicités. C’était par exemple le cas des frères Guérini avec Gaston Defferre. Ils avaient notamment été missionnés pour casser un mouvement ouvrier sur le port de Marseille. On relève une continuité dans ce mélange entre intérêts apparents et occultes, sur fond de politique et de magouilles.

(…)

Il y a moins d’un an, au terme d’une sanglante série d’assassinats marqués du sceau du narcotrafic, Emmanuel Macron a annoncé des moyens supplémentaires à Marseille. Qu’est-ce que cette « main tendue » vous inspire ?
Ce n’est pas qu’une affaire de moyens. Certes, les cités qui vivent sous la coupe des caïds sont en demande d’une présence policière dans ces zones où la présence de l’uniforme est homéopathique.
Il y a clairement une attente sécuritaire face à la montée de la violence au quotidien comme l’ont démontré les récents évènements fortement médiatisés survenus à la cité Kallisté. La direction zonale de la police judiciaire a des moyens pour travailler sur les trafics sans pouvoir les éradiquer totalement, car ils se régénèrent sans cesse. Au fil des décennies, la situation s’est dégradée. Je crois que ce problème doit aussi être appréhendé sous l’angle socio-économique et éducatif, car c’est une ville qui ne respire plus. Il y a en réalité deux villes qui se font face. D’un côté, la pauvreté des quartiers nord, de l’autre une forme d’opulence au sud. La position du président montre bien que Marseille est devenue un enjeu politique. Je crois que ça doit être aussi une cause nationale. Car cette emprise mafieuse soulève bien des questions : peut-on laisser une fraction aussi importante du territoire aux mains d’organisations criminelles qui imposent leur diktat ?

L’article en libre accès sur Corse Matin

Merci à Tara King

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