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“Diversité à l’Opéra de Paris : vers un racialisme d’État ?”

Isabelle Barbéris, essayiste et maître de conférences en art de la scène à l’université Paris-Diderot, dresse une analyse inquiétante du rapport sur la diversité à l’Opéra national de Paris.

L’objet s’intitule : Rapport sur la diversité à l’Opéra national de Paris . Ses auteurs : l’historien Pap Ndiaye* et Constance Rivière, secrétaire générale du défenseur des droits. Le commanditaire : Alexander Neef, nouveau directeur, armé de bonnes intentions, mais acquis au multiculturalisme et à ses représentants au sein de la vieille institution. Posons-le d’entrée : la diversité dont il est ici question, et que les auteurs entendent défendre, n’est pas plus celle des idées que des œuvres. En revanche, la vision racialiste de la « diversité » – notion qui à ce jour n’a toujours pas fait l’objet d’une concertation académique de qualité, et encore moins d’une consultation démocratique – y apparaît totalement décomplexée.

On y relève de page en page, l’influence évidente des lobbys et associations militantes défendant cette conception du monde, reposant sur la mise en concurrence des individus par critères de genre et de race, au détriment d’autres regards plus subtils, et de l’expertise académique. La tradition universaliste pluriséculaire de la France y est oubliée, balayée. Pouvait-il d’ailleurs en aller autrement du moment où l’on a confié cette mission à un pourfendeur du « blackface » des « Suppliantes », la pièce d’Eschyle dont des « antiracistes » avaient réussi à interdire la représentation en mars 2019 ?

(…) Parmi les originalités, on découvre qu’Arlequin serait l’inventeur du « blackface » européen (ou « blackface light »). On retrouve des falsifications déjà lues ailleurs, ainsi autour d’Impressions d’Afrique de Raymond Roussel. Tout déguisement est présenté comme suspect a priori, de même que tout regard sur l’autre et l’ailleurs, dans une méconnaissance totale de la diversité des pratiques et de l’histoire des représentations, du déguisement ou encore du grimage. Le contresens sur le « ballet blanc » frôle le ridicule : la blancheur – renvoyée à une essentialisation raciale par les auteurs – correspond en fait à une esthétique spectrale ( les Willis ), ainsi qu’à une convention désuète de représentation unifiée du groupe.

La méconnaissance des pratiques de maquillage en danse est tout aussi flagrante : les rapporteurs semblent ignorer que tous les danseurs de ballet, en premier lieu les « blancs », se talquent la peau afin de leur éviter de briller sous la rampe.

Autre passage lunaire : les défenseurs de la « diversité mélanique » ( sic ) déplorent que les danseurs « non blancs » recrutés ne soient pas assez noirs… Parmi les préconisations les plus folles et intrusives dans le contrôle des représentations, celle de « blueface » (visage grimé en bleu) est envisagée… bien que considérée comme encore insatisfaisante. Le rapport assure ne pas vouloir instaurer un « comité de censure » mais en appelle à considérer que « la très grande majorité [du répertoire] contient des éléments racistes et sexistes. » Il pose solennellement : « On ne se grimera plus pour jouer au noir ou à l’asiatique ». Tout en se défendant de vouloir les supprimer, il valide la « placardisation » d’œuvres comme Aida, La Bayadère, Raimonda – de toute évidence ni connues, ni travaillées par les rapporteurs. Turandot et Madame Butterfly, désignés comme coupables de « yellowface », sont à peine sortis du placard, mais sous conditions… Qui les dictera ?

(…) Les derniers chapitres s’enferrent dans les contradictions auxquelles le racialisme est de toute façon condamné : après avoir prôné la discrimination raciale, on en vient à la condamner. Ainsi (im)pensée, la « diversité » s’apparente paradoxalement à une réduction de la plasticité du jeu, et non à une ouverture, pourtant seule à même de diversifier le répertoire et les choix de recrutements.(…)

(…) Marianne

Merci à stef

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