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18/02/2022

13/02/2022

La France et son âme meurtrie sont le personnage invisible de chacun des romans de Sabri Louatah et de la série évènement qu’il a écrite. Il évoque son “amour sensuel, charnel, viscéral” pour la langue française et son fort attachement à sa ville d’origine, Saint-Étienne, baignant dans la lumière caractéristique de la région. Il suit de près la campagne des prochaines élections présidentielles. Mais M. Louatah fait tout cela depuis Philadelphie, devenue sa ville d’adoption depuis les attentats de 2015 en France par des extrémistes islamistes qui ont fait 130 victimes et profondément traumatisé le pays. Avec le raidissement de l’opinion qui a suivi à l’égard de tous les Français musulmans, il ne se sentait plus en sécurité dans son propre pays. Un jour, on lui a craché dessus et on l’a traité de “sale Arabe”.

“C’est vraiment les attentats de 2015 qui m’ont fait partir — j’ai compris qu’on n’allait pas nous pardonner,” déplore M. Louatah, 38 ans, le petit-fils d’immigrés algériens. “Quand on vit dans une grande ville démocrate sur la côte Est, on est plus tranquille que dans Paris, où on est au cœur du chaudron.”

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Une question est pourtant à peine abordée, celle de l’émigration. Cela fait des années que la France perd des professionels hautement qualifiés partis chercher plus de dynamisme et d’opportunités ailleurs. Parmi eux, d’après des chercheurs universitaires, on trouve un nombre croissant de Français musulmans qui affirment que la discrimination a été un puissant facteur de leur départ et qu’ils se sont sentis contraints de quitter la France en raison d’un plafond de verre de préjugés, d’un questionnement persistant au sujet de leur sécurité et d’un sentiment de non-appartenance.

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M. Louatah, l’écrivain à Philadelphie, dont la femme française est économiste et enseignante à l’université de Pennsylvanie, espère revenir un jour dans le pays qui occupe ses romans. La série télévisée adaptée de son livre “Les Sauvages”, diffusée en 2019, a été un succès immédiat pour Canal Plus, son producteur — et un succès inhabituel, l’auteur imaginant la France dirigée pour la première fois par un président d’origine nord-africaine.

Deux ans plus tard, M. Louatah en vient cependant à qualifier sa série d’“anomalie”. Il avait commencé l’écriture d’une deuxième saison dont le fil conducteur était les violences policières, un des thèmes les plus sensibles du moment en France. La série n’a finalement pas été renouvelée, pour des raisons qui ne lui ont jamais été clairement exposées, dit-il. Une porte-parole de Canal Plus affirme que la série n’avait été prévue que pour une seule saison. À Philadelphie, M. Louatah travaille à l’écriture d’un nouveau roman qui traite de l’exil d’un pays qui n’est jamais nommé.

New York Times

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