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Association phare de l’anti-racisme des années 1980, structure de la génération Benetton, S.O.S Racisme est également un organe politique. Si la main jaune floquée du slogan “Touche pas à mon pote” a su se répandre dans les inconscients d’une partie de la jeunesse, l’association était avant tout une antichambre du Parti Socialiste, autant qu’elle était un poste avancé et engagé de l’UNEF-ID. Pour participer à ce soft power, S.O.S Racisme se dote d’une radio : Ça bouge dans ma tête. […]

LA RÉPONSE DE LEFA DONNÉE MOT POUR MOT À NATHALIE SORLIN :

« Non, pas vraiment. On va dire que pendant une époque, on a beaucoup attaqué les homosexuels parce que ça fait partie de notre façon de penser, on est homophobes à 100 %, nous donc heu voilà… Non c’est pas que je le revendique, ça veut dire, voilà, c’est quelque chose qu’on comprend pas, mais bon c’est pas non plus notre guerre, on ne va pas non plus crier sur tous les toits « voilà on est homophobes et tout » c’est juste… A une époque on parlait des gays tout ça, et c’est vrai que bon après on nous a fait beaucoup de remarques « ouais homophobes, homophobes ! » Donc on s’est dit, bon on le pense, c’est pas non plus la peine de le crier sur tous les toits, tranquille tu vois… Après voilà, donc c’est vrai que des fois on se met des petits freins et des trucs on se dit « bon non là…, on a déjà assez attaqué sur ce plan là tout ça tranquille, tu devrais le dire autrement. » Tu vois ce que je veux dire ? »  

— Source : enregistrement  de l’interview effectuée par Nathalie Sorlin, retranscrit par un huissier assermenté et repris dans les conclusions de la défense de Barack Adama, lorsque celui-ci sera poursuivi pour diffamation par la journaliste.

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Car condenser des propos, en saisir la substance pour l’imprimer sur papier, cela signifie quasi systématiquement ne pas écrire mot pour mot ce que l’interviewé a dit. Et c’est parfois un exercice périlleux. « Retranscrire, c’est le pire, parce que des fois, tu protèges à fond les gens. Évidemment en corrigeant les tournures de phrase propres à l’oral, les tics de langage. D’autre fois, tu protèges les gars de leurs propres propos, en modérant, pondérant. Et parfois tu prolonges aussi leur propos pour les rendre plus intelligents qu’ils ne le sont. Il y a parfois une valorisation quand on a des réponses super plates où tu te dis « je ne peux pas publier ça » » explique Romain Cole, ancien journaliste chez Syndikat et collègue de Nathalie chez Score. Si l’affaire n’avait pas abouti à de telles extrémités, Yann Cherruault en rigolerait. Car avec la Sexion d’Assaut, il juge que Nathalie a plutôt fait dans l’euphémisme. « Nathalie a repris uniquement les propos sur bande et les a passés de l’oral à l’écrit en les condensant. Et que ce soit moi ou Nat, on a toujours fait attention que les mecs s’expriment bien, que ce ne soit pas du langage parlé. Forcément, il y a une transcription de l’oral à l’écrit, mais le fond reste le même. »

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Au sortir de l’interview, les impressions des uns et des autres sont totalement opposées. D’un côté, une journaliste écœurée qui ne veut pas publier l’interview. De l’autre, des rappeurs qui font état, certes d’une sortie du cadre professionnel, mais aussi d’une ambiance familiale, d’un débat qui a eu lieu surtout en off « entre nous, comme devant un grand du quartier ». Ils déclarent percevoir une bienveillance pédagogique chez Nathalie Sorlin, âgée d’une vingtaine d’années de plus qu’eux. « Elle a même dit texto vous avez de la chance d’être tombés sur moi. Un autre journaliste vous aurait lynchés. Elle était bienveillante, un peu comme une daronne, elle nous a expliqué pourquoi on ne pouvait pas dire ça », souligne Barack Adama. On est à des lieues de ce que la journaliste relate à son rédacteur en chef, son pote rappeur Muge Knight et ses anciens collègues. Résultat : la journaliste publie visiblement une interview faite à contrecœur, et le groupe se sent complètement « trahi », victime d’un « coup bas » fait pour le « buzz » quand ils la lisent. Trahis dans les deux sens du terme : trahis parce qu’un média rap n’est pas censé être celui par qui la mauvaise publicité arrive. Implicitement, leur réaction relaie l’idée que la presse spécialisée est supposée, si on voit les choses d’un œil valorisant, être « du côté » des rappeurs contre la stigmatisation et le mépris du genre qui a cours dans les médias généralistes. D’un point de vue moins flatteur, n’être qu’un support promo, point barre. Pas question de dire autre chose que c’est génial, et puis quoi encore. À noter que les travaux en sociologie du journalisme montrent que la porosité entre communication et journalisme est un trait récurrent de la presse magazine en général, pas seulement rap.

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Déformation idéologique ou réduction requise par l’exercice même de la presse ? La limite de signes, particulièrement sur un format imprimé, l’exigence de “donner envie de lire” impliquent d’adopter un style condensé, accrocheur. Mais d’un autre côté, les propos sont toujours publiés dans un contexte socio-historique, politique, le papier les fixe, leur donne une pesanteur qu’ils n’ont pas quand ils traversent les lèvres de ceux qui les tiennent. Est-ce ce qui explique, aussi, le malaise de Nathalie Sorlin, qui, contrainte ou convaincue de rendre l’interview, affirme fin 2012 avoir à cœur de ne pas orienter sa retranscription vers une lecture islamophobe ? Dans la France des années 2010, lier l’homophobie à de jeunes hommes musulmans pour la plupart n’est pas anodin. Ce lien peut faire jubiler une certaine frange de la sphère politique, et exonérer la population majoritaire au sens sociologique (blanche, présumée chrétienne) de toute homophobie en la reléguant aux “autres”, à la population minoritaire. C’est certain. N’importe quel journaliste qui parle publiquement de rap le sait. Et en attendant, il faut bien dire ce qui a été dit. Le choix le plus fréquent de la presse rap, il y a dix ans comme aujourd’hui, est de taire les sujets qui fâchent, pour de bonnes comme – plus souvent – de mauvaises raisons. Or, bien parler de rap, dit la déontologie journalistique, c’est en parler sans mépris ni complaisance; c’est-à-dire comme n’importe quoi d’autre.

Outre le malaise provoqué par l’interaction, se pose celui d’une retranscription juste.

Exemple pratique. Dans l’interview publiée, on lit :

« Mais on nous a fait beaucoup de réflexions et on s’est dit qu’il était mieux de ne plus trop en parler parce que ça pouvait nous porter préjudice. Pareil pour les autres religions, on ne les attaque pas parce qu’on respecte quand même un minimum les autres et qu’on ne peut pas les forcer à être dans le vrai et musulmans comme nous ».

Et dans la retranscription des bandes validées par un huissier de justice assermenté, Lefa dit:

« Sur les religions aussi tu vois on n’attaque pas les autres religions tout ça parce que voilà, on respecte quand même un minimum, chacun croit comme il croit, tu vois, on peut pas forcer quelqu’un à croire comme nous donc voilà. »

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Mais la mémoire approximative des interlocuteurs en dit long: « ils avaient 19 ans », dira Vincent Boivin, chef de projet de l’époque, dans les rares réponses qu’il finit par accepter, à contrecœur, de donner à nos sollicitations. En réalité, Barack Adama avait 24 ans, Lefa et JR O Crom 25, Gims 24, Black M. et Maska 26, Doomams 27. Dans les mêmes discours, ils peuvent être décrits comme « jeunes et cons » et « pères de famille ». Cependant, l’erreur, dite en passant, signifie qu’ils sont perçus et/ou doivent être perçus comme tels. Avec ce que ça implique: ils sont irresponsables, à protéger, naïfs, peu expérimentés, susceptibles de changer… De l’autre côté de l’interprétation, le discours est présenté comme le fruit d’une réflexion construite, cohérente, politisée. Et qui serait d’autant plus vraie qu’elle serait ancrée dans l’identité sociale des rappeurs qui ont tenu ces propos. […]

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2013:

Accusé d’homophobie après une interview en 2010, Sexion d’Assaut voit la polémique refaire surface. Adama Diallo, l’un des membres du groupe rap, vient d’être condamné pour diffamation envers la journaliste Nathalie Sorlin […]

Sur le réseau social, Adama Diallo aka Barack Adama avait durement critiqué la journaliste ayant réalisé l’entretien pour International Hip Hop. “Bien sûr qu’elle a beaucoup inventé !! C’est grave de faire des trucs comme ça ! On a lu l’interview, nous-mêmes, on a été choqués. La journaliste qui a interviewé la Sexion d’assaut a LA HAINE contre ce groupe tout simplement, c’est complètement faux, cette source est fausse, cette interview a été modifiée et les paroles de la Sexion d’assaut ont été mal rapportées“, avait lancé le rappeur de Sexion d’Assaut, sacré groupe français de l’année aux derniers NRJ Music Awards. […]

La 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris a condamné Adama Diallo à verser 6000 euros à la journaliste et devra effacer le message et publier un communiqué favorable à cette dernière. Nathalie Sorlin avait décidé d’attaquer le rappeur pour diffamation car elle est “au RSA avec (son) fils” et “en dépression depuis l’affaire“. […]

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