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Wokisme, cancel culture, Me too… L’ex-secrétaire d’Etat de Sarkozy expatriée à Washington fait siens ces combats. Et jette sur la France un regard sévère. Surprenant.

A l’heure où les batailles identitaires et culturelles grondent aux Etats-Unis et en France, nous avons voulu interroger celle que les Américains présentent comme la “première femme afro-descendante nommée ministre en France”. Rama Yade, aujourd’hui âgée de 44 ans, s’est installée à Washington il y a trois ans. De 2007 à 2010, elle fut successivement secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères et aux droits de l’homme, puis en charge des Sports dans un gouvernement de droite durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Si les optimistes considèrent encore sa nomination comme une avancée, elle, assure qu’elle était “une licorne, une anomalie”. Et tempête : “Dès que j’ai passé la porte, on l’a fermée derrière moi.” Rama Yade ne veut plus “rassurer la France sur ce qu’elle est”. Désormais, Rama Yade brandit une conscience militante des discriminations raciales et sexuelles et considère que nier qu’en France “le racisme est partout a précipité notre pays dans les graves périls actuels”. Elle définit le wokisme comme “un noble combat de justice et de revendication d’égalité dont devrait s’enorgueillir la patrie des droits de l’homme”. Entretien musclé. 

Les batailles identitaires donnent aussi lieu à une forme de censure. On a vu récemment de plus en plus de personnes critiquées, lynchées médiatiquement ou sur les réseaux sociaux, et parfois licenciées à cause d’opinions n’allant pas dans le sens des combats idéologiques de l’époque, d’après leurs détracteurs. La conférence d’un géophysicien a été annulée par le MIT parce qu’il s’était exprimé contre la discrimination positive, la journaliste Bari Weiss a quitté le New York Times en dénonçant “l’auto-censure devenue la norme”… Cela ne vous inquiète pas ? 

(…) Mais je ne partage pas du tout ces craintes, ces crispations devant ce qu’on a appelé le mouvement woke ou la cancel culture. Black lives matter est un mouvement salutaire car il a rappelé, pour la déplorer, la persistance des catégorisations raciales aux Etats-Unis. Elles structurent les relations sociales depuis plusieurs siècles et continuent à peser dans le marché du travail, dans la santé où les femmes noires sont encore trop nombreuses à mourir en couches, dans l’incarcération de masse. Comment se fait-il que les hommes noirs qui constituent 8% de la population soient 40 % à occuper les prisons américaines, comme le demande Michelle Alexander dans son best-seller The New Jim Crow ? Un jeune noir sur 3 connaîtra la prison au cours de sa vie contre 1 blanc sur 17. Comment se fait-il qu’ils représentent la majorité des populations infectées par le Covid ? Rien que ces deux exemples justifient #BLM. La mort de George Floyd a été un ultime détonateur dans ce réveil, et ce n’est pas seulement une prise de conscience des Afro-américains, c’est aussi celle du reste de la population. Le nombre de victimes des violences policières est important ici, c’est une réalité quotidienne. Et c’est ce qui provoque l’indignation et des manifestations. Une nouvelle génération veut remettre en cause la manière dont cette société fonctionne. 

Le wokisme a été brandi de manière abusive comme un outil de censure. En réalité, c’est juste le refus des discriminations. Ce n’est quand même pas honteux de combattre les inégalités ! Quel que ce soit le nom que vous lui donnez, c’est un noble combat, de justice et de revendication d’égalité dont devrait s’enorgueillir la patrie des droits de l’homme. Car ce mouvement qu’on dénonce comme une importation américaine nous vient bien de France, de la French Theory qui en effet a infusé dans les universités américaines : de Lacan à Foucault, ce sont des penseurs français qui ont inspiré le mouvement woke ! Soyons-en fiers en tant que Français !  

(…) L’Express

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