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Emmanuel Macron a été interpellé par une mère de famille dans un quartier populaire de Montpellier. Cet échange révèle le manque de mixité ethnique dans certaines villes françaises, analyse la démographe.

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Le président a affirmé qu’il s’agissait d’un problème social. Partagez-vous son avis?

Les propos de la personne qui a interpellé Emmanuel Macron sont sans ambiguïté: elle illustre son grief à partir du prénom «Pierre», qui est un prénom chrétien, et affirme que son fils n’a jamais rencontré quelqu’un le portant. C’est bien de mixité ethnique qu’il s’agit. Prétendre qu’il s’agit là d’un problème social revient à supposer que ce sont les classes aisées qui font défaut alors que la personne qui s’adresse au président lui parle d’autre chose. Son fils ne côtoie pas d’enfants d’origine française à l’école ou dans son voisinage qui lui permettraient de raccrocher à son vécu ce qu’il lit dans ses livres. Il vit dans une microsociété qui ne ressemble en rien à la société française tout entière, dont seuls les livres lui donnent un aperçu.

Constatez-vous un basculement démographique dans certains quartiers? La société française est-elle en train de se «ghettoïser»?

Les données sur les jeunes de moins de 18 ans indiquent clairement une augmentation spectaculaire du pourcentage de jeunes d’origine étrangère (c’est-à-dire ayant au moins un parent immigré) en milieu urbain. À la fin des années 1960, dans les communes d’au moins 5000 habitants, ce pourcentage était en moyenne toujours inférieur à 15 %, y compris dans les plus grandes d’entre elles. Au fil du temps, les concentrations ethniques se sont accrues considérablement. En 2015, en moyenne, plus de 35 % des jeunes étaient d’origine étrangère dans les communes d’au moins 50.000 habitants. L’Île-de-France est particulièrement concernée, notamment la Seine-Saint-Denis. Par exemple, en près de 50 ans, la part des jeunes d’origine étrangère a été multipliée par 3,7 à La Courneuve, 3,6 à Clichy-sous-Bois et 3,3 à Aubervilliers. Dans ces trois communes, elle atteint près de 80 %. C’est le cas à Clichy-sous-Bois depuis déjà une dizaine d’années, indiquant un effet de saturation: les enfants des enfants d’immigrés ayant grandi et fondé une famille sur place ne sont pas pris en compte parce que petits-enfants d’immigrés.

Ces phénomènes de concentration touchent aussi d’autres villes en dehors de l’Île-de-France. C’est le cas de Blois où, en 1968, 5 % des jeunes étaient d’origine étrangère et le plus souvent d’origine européenne. En 2011, 40 % de la jeunesse blésoise était d’origine étrangère et presque entièrement d’origine extra-européenne. À l’échelle de certains quartiers, les concentrations peuvent être encore plus fortes.

Que peuvent faire les pouvoirs publics? Est-il possible d’inciter des habitants d’origine française à s’installer dans ces quartiers? Limiter les flux migratoires?

L’État français est resté indifférent au phénomène, tout en déplorant ses effets. L’incapacité de son appareil statistique à mesurer les concentrations ethniques témoigne de ce manque d’intérêt, autre que de circonstance. Tout préoccupé qu’il était à traiter du thème des discriminations, le Conseil national de l’information statistique n’a lui-même pas trouvé, parmi les professionnels de la statistique, une motivation suffisante pour dénombrer. L’État n’a pas éprouvé non plus le besoin d’en savoir plus.

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S’agissant des flux migratoires, l’État a construit lui-même son impotence. Avec une politique migratoire fondée sur des droits, il n’a guère de leviers d’action pour en réduire l’importance. Et les liens avec les familles et les diasporas ont tendance à conduire les nouveaux arrivants à proximité de ceux qui sont déjà là. Se réveiller trop tard condamne à la déploration.

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Le Figaro

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