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Moi, Luc* enseignant, menacé de décapitation, suspendu après vingt-neuf ans de carrière,  pour avoir défendu Samuel Paty au lendemain de son assassinat dans le cadre d’un cours d’Education civique et morale (EMC) en classe de première générale.

Le samedi 17 octobre 2020, lendemain de l’assassinat de Samuel Paty, j’arrive à onze heures dans ma classe, en demi-groupe aujourd’hui, pour mon dernier cours avec eux, avant les vacances de la Toussaint. L’indifférence des élèves à ce qui s’est passé la veille jure avec mon émotion, et en attise même le feu. Pour trop d’élèves dans la classe, pour l’inspection générale de l’Éducation nationale ?, l’assassinat de ce professeur pour délit d’opinion est juste un « événement ». Ils le traitent comme un fait divers. Une banalité. Je n’avais pas pris jusque-là pleinement conscience de la nouvelle réalité, à savoir la tolérance des nouvelles générations à la barbarie.

Cependant, en hommage à Samuel Paty, et à des fins pédagogiques, je projette une sélection, mon choix, parmi les moins crues, des caricatures de Mahomet. À ma connaissance, ma classe ne compte aucun musulman. Un élève me demande si je n’ai pas peur. Et quand je lui réponds que non, il déclare : « Mon père va vous décapiter ! ». Pour cet élève, l’assassinat de mon collègue est compréhensible et excusable. Point positif, heureusement !, d’autres élèves m’interrogent sur ce que serait la solution : la réflexion est en marche. C’est bien le but de la séance.

(…) Le lundi 2 novembre 2020, au retour des vacances de la Toussaint, je suis convoqué dans le bureau du proviseur avant le début des cours. Il m’y attend avec un inspecteur et un rapport de l’élève à ma charge qui m’a jeté au visage ces paroles foudroyantes : « Mon père va vous décapiter ! ». Selon l’acte d’accusation, je serais « pour la fermeture des mosquées islamiques » (sic). Le proviseur continue, mais en citant mes propos, il les relativise en usant du conditionnel : l’élève « lui aurait dit, lors de l’échange, “mon père va vous décapiter” ». Je suis sur la sellette. La parole de l’élève est sacrée. Il m’est alors demandé de présenter le lendemain, le mardi 3 novembre, mes excuses à la classe. Le vendredi suivant, il me faudra rendre compte de cette séance au proviseur. Un incident, ce jour-là, lui offrira le prétexte dont il avait besoin pour se débarrasser de moi. 

(…) C’est alors qu’il évoque la bagarre du matin, et me signifie ma suspension. Je dois quitter l’établissement dans le quart d’heure. Expulsé ! Comme me le dira un collègue, il faut que j’aille me faire décapiter ailleurs. (…)

Luc

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